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À lheure où nous bouclons ce numéro, la planète vit une très grave crise sanitaire qui affecte pour la première fois depuis longtemps le monde occidental, lEurope et la France. Impossible de prédire ce qui en sortira quand la pandémie sera derrière nous. Mais il est déjà frappant de constater que le fort ralentissement de lactivité économique, la réduction des mobilités et larrêt de la consommation hors alimentaire apaisent le climat des villes, réduisent les pollutions atmosphériques, et quune forme de frugalité simpose aux modes de vie. Problème : en cette période de confinement et de fin dhiver, la consommation énergétique des bâtiments ne faiblit pas, alors quelle est la première source des émissions carbone. Le 5 mars 2020, avant le début de la crise en Europe, la France avait déjà émis les gaz à effet de serre (GES) quelle devrait rejeter en une année si elle respectait lobjectif de neutralité carbone quelle sest fixé pour 2050, selon une étude que le cabinet Carbone 4 a récemment réalisée pour le collectif LAffaire du siècle. À ce rythme démissions, lobjectif ne sera atteint quen 2085. Son respect impose de ne pas dépasser un plafond annuel démissions de 80 millions de tonnes équivalent CO2 des rejets qui doivent être compensés par des puits de carbone naturels ou des techniques de séquestration, comme lexplique Éric Vidalenc en ouverture du dossier. Or, selon la même étude, les émissions françaises devraient atteindre, en 2020, 450 millions de tonnes équivalent CO2. Soit cinq fois plus. Ces émissions ont baissé de 19 % depuis 1990 et leur niveau par habitant est lun des plus faibles (6,4 tonnes par habitant) parmi les pays développés. Mais cette baisse est nettement insuffisante : les émissions devraient être divisées par plus de 5 au cours des trente prochaines années pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Peut-on changer aussi radicalement dans ce délai ? La Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), outil de pilotage de ce budget, fixe des objectifs par secteur. En France, les deux secteurs les plus émetteurs concernent directement la ville : les transports (30 % des émissions) et le bâtiment (19 %). Pour parvenir à une décarbonation complète en 2050, les bâtiments doivent réduire de 49 % les GES dici 2030 et les transports de 28 %. Ce dossier (le premier consacré au sujet dans la revue) questionne les scénarios pour une ville bas-carbone et interroge les politiques mises en oeuvre par les villes. Cest là que se joue pour une large part la lutte contre le réchauffement climatique, estime Jacques Theys, même si la campagne électorale pour les municipales ne sest guère focalisée sur cet enjeu. 67 % des émissions de GES proviennent des villes, rappellent des expertes de lInstitute for Climate Economics (I4CE), think tank proche de la Caisse des Dépôts et de lAgence française de développement. I4CE a évalué quil faudra investir 15 à 18 milliards deuros supplémentaires chaque année dici 2023, dans les seuls secteurs des énergies renouvelables, du transport et du logement pour sengager vers la neutralité carbone. Pourtant, à en croire Jean Haëntjens, les villes, du moins certaines, sont en avance sur les États. Elles concentrent les problèmes, mais elles ont aussi des dispositions particulières pour inventer des solutions. Elles peuvent agir simultanément sur le bâtiment, le quartier, sur leur propre territoire et sur un territoire plus vaste, comme dans le cas du projet du Grand Genève. Sur la mobilité, on lira la passionnante contribution de Jean-Pierre Orfeuil en faveur du petit véhicule. Plus personne ne conteste lurgence. Même les promoteurs et les constructeurs, comme en témoignent leurs propos au dernier Simi, affichent des convictions. Reste à tenir les engagements et à savoir par quelles trajectoires y parvenir. Pour lheure, nous sommes très loin du compte. Dautant que, selon Sabine Barles, « la réduction des émissions de carbone dépasse la transformation du système énergétique urbain. Elle doit se traduire par une recherche de sobriété en toutes choses ». Cyria Emelianoff ne dit pas autre chose quand elle en appelle à « des formes radicales de sobriété, qui supposent des ruptures politiques ». Cest le défi le plus exigeant. Il concerne chacun. Pour Panos Mantziaras, cest aussi là que « les métiers de la transformation de lespace lurbanisme, larchitecture, le paysage peuvent contribuer à nouveau à un projet de société par lélaboration et la représentation dun cadre de vie à la fois sobre en ressources, qualitatif en termes spatiaux et inclusif en termes sociaux ».