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« “Je te salue, montagne de Sancerre, sur ton sommet paisible j’ai trouvé le terme de ma course vagabonde. Bons, joyeux et hospitaliers habitants de Sancerre, vous qui m’avez accueilli avec tant de cordialité, je vous salue. Qu’il est doux, loin du fracas du monde, des affaires, des intrigues de l’ambition, de respirer dans une atmosphère pure, de jouir d’un beau soleil, d’égarer ses regards dans un horizon immense, au milieu des merveilles toujours renaissantes de la nature !” C’était ainsi que s’exprimait un habitant de la ville de Sancerre, assis sur un bloc de mur de l’ancien château, au point le plus élevé de la montagne. Depuis plusieurs années je parcourais les différents départements de la Fiance et je visitais les anciens monuments de cet édifice monstrueux appelé régime féodal. En passant à Cosne, route de Lyon, la vue de la tour de Sancerre placée sur une montagne escarpée me frappa. Pouvais-je résister au désir de visiter ces ruines ? Ma peine ne fut point perdue. Parvenu à l’esplanade de la porte César, je restai immobile et en extase. Quelle magnifique vue ! Quel horizon enchanteur ! Je voyais, si je puis m’exprimer ainsi, sous mes pieds les villages de Fontenai, Saint-Satur, Saint Thibault, la Roche, et le vaste bassin de la Loire inconstante. Dans mes voyages, je n’ai trouvé de perspective comparable à celle-ci que la perspective de la terrasse de Lausanne. Mon extase redoubla, lorsque j’errai dans le parc de M. Roy, ancien ministre des finances. On ne peut pas dire de ce parc que l’ennui naît de l’uniformité. Rien de régulier. Les allées sont circulaires et suspendues, pour ainsi dire, les unes sur les autres. On ne peut faire un pas sans changer d’horizon. Chaque banc a son point de vue particulier. Ici des escaliers gravissent au milieu d’énormes rochers, enfants de la nature et que l’art eut vainement tenté d’imiter. Là de véritables ruines, des fragments de murs renversés, que les années loin de dissoudre ont au contraire pétrifiés ; le tout surmonté par une haute tour dont les murailles de quatorze pieds d’épaisseur semblent défier les vents, la foudre, et l’action lente mais infailliblement destructive du temps. L’année était alors dans son printemps et parée de tous ses ornements. Le zéphyr, chargé du parfum de l’acacia, agitait mollement le feuillage, dont l’épaisseur couvrait les allées d’un toit impénétrable aux rayons de l’astre du jour. Les chants plaintifs des rossignols retentissaient dans les angles des rochers, tandis que les colombes roucoulaient amoureusement dans leur asile solitaire. Si mon oreille eut été frappée par le bruit d’une cascade se précipitant du haut de ces rochers ; si j’eusse aperçu un jet d’eau s’élançant du sein de ces masses de verdure, je n’eusse, dans mes voyages, rien trouvé de plus délicieux que le parc de M. Roy. J’étais occupé à visiter les ruines du château, lorsque j’entendis les paroles que je viens de rapporter. Je m’approchai de l’habitant de Sancerre. Son abord me prévint en sa faveur. Sa conversation m’intéressa. C’était un homme instruit et qui avait mis à profit les longs voyages qu’il avait faits. En visitant ensemble l’emplacement du château, je fus étonné de l’épaisseur des murs et de leur solidité ; ces blocs gisant par terre depuis près de trois siècles sont aussi durs que le roc. Qu’elle force, m’écriai-je, a foudroyé ces fortifications redoutables, et renversé ces remparts que leur position rendait presqu’inexpugnables ? Je pourrais satisfaire votre curiosité, me répondit-il, mais le récit serait un peu long. Qu’importe, répartis-je, mon occupation est de parcourir les fastes de la France ; de recueillir les faits célèbres, les actions héroïques ; d’interroger les ruines, de consulter les anciennes chroniques. L’homme sage jouit du présent sans trop s’inquiéter de l’avenir. Mais le temps passé est-il donc perdu sans ressource ! Que d’erreurs et de dangers on eut évité et on éviterait encore, si le passé n’était si vite oublié ; si l’on se rappelait les écueils où l’on a échoué, et les précipices où l’on est tombé ! L’histoire des siècles écoulés devrait être la leçon universelle de l’homme, et un fanal pour éclairer et guider sa conduite future. Alors le Sancerrois me prit la main et me conduisit sur le roc qui est la pointe la plus élevée de la montagne, et d’où l’on découvre toute la ville ; et, assis sur le gazon, il commença ainsi l’histoire de Sancerre. » Histoire de la ville de Sancerre ; chef-lieu du premier arrondissement communal du département du Cher Date de l'édition originale : 1826 Sujet de l'ouvrage : Sancerre (Cher) -- Histoire Le présent ouvrage s'inscrit dans une politique de conservation patrimoniale des ouvrages de la littérature Française mise en place avec la BNF. HACHETTE LIVRE et la BNF proposent ainsi un catalogue de titres indisponibles, la BNF ayant numérisé ces œuvres et HACHETTE LIVRE les imprimant à la demande. Certains de ces ouvrages reflètent des courants de pensée caractéristiques de leur époque, mais qui seraient aujourd'hui jugés condamnables. Ils n'en appartiennent pas moins à l'histoire des idées en France et sont susceptibles de présenter un intérêt scientifique ou historique. Le sens de notre démarche éditoriale consiste ainsi à permettre l'accès à ces œuvres sans pour autant que nous en cautionnions en aucune façon le contenu. Pour plus d'informations, rendez-vous sur www.hachettebnf.fr