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« Pour bien connaître l'histoire d'un peuple, il faut d'abord rechercher avec soin quels ont été, aux différentes époques de son existence, la forme de son gouvernement, le développement et les progrès de sa législation, ses institutions judiciaires, son administration civile ou financière, ses usages, ses arts et son commerce. Tel est le but vers lequel doit tendre tout écrivain jaloux de faire une œuvre durable ; tel est celui que je me suis proposé en essayant, autant que mes forces me le permettaient, de retracer les diverses vicissitudes de la Corse, ma patrie. Je commence par ce qui a rapport aux lois et à l'organisation judiciaire. J'en esquisserai le tableau dans cette introduction, me réservant de traiter les autres sujets dans l'histoire de la Corse à laquelle je travaille, et qui, je l'espère, verra bientôt le jour. Je partirai de la domination romaine pour arriver au XVIIIe siècle, époque à laquelle cette île fut réunie à la France. La Corse, avant son occupation par les Romains, avait reçu les colonies de différentes nations venues de l'Afrique, de la Ligurie, de l'Asie Mineure et de la Tyrrhénie. Les Ibères, les Liguriens, les Phéniciens, les Phocéens, les Tyrrhènes et les Carthaginois y ont séjourné. Ces peuples étaient régis par des lois, des usages et des coutumes qui différaient suivant leur origine et leur caractère. Les colonies maritimes, occupées de trafic, suivaient les usages commerciaux de la mère patrie ; les colonies de l'intérieur, dont les habitudes étaient plus douces et plus pacifiques, avaient une législation conforme à celle des peuples agriculteurs. Les matériaux nous manquent pour cette époque dont Hérodote, Diodore et Polybe ont seulement dit quelques mots ; je franchirai donc ces temps obscurs pour arriver à ceux de la domination des Romains. Ces derniers conquirent la Corse l'an 522 de Rome ; ils en formèrent, la même année, une province qu'ils joignirent à la Sardaigne dont elle est voisine. Un seul préteur régissait les deux îles, et cet état de choses dura jusqu'à la chute de la république romaine. En réduisant la Corse en province, les vainqueurs, selon leur usage, y promulguèrent les lois de l'empire avec celles particulières à ce pays. Voici quelle fut l'organisation qui en résulta : le capitaine à qui la conquête était due, ou plusieurs commissaires envoyés par le sénat, tiraient des lois et des coutumes de la province un recueil d'ordonnances en harmonie avec les besoins des sujets ; on donnait à cette collection le nom de formule, formula provinciœ. Tous les magistrats étaient tenus de s'y soumettre. Elle indiquait la procédure à suivre dans les causes soit des citoyens de diverses juridictions entre eux, soit de l'administration contre les particuliers, soit enfin de ceux-ci contre la cité ; les tribunaux auxquels il fallait s'adresser ; et les actions que, suivant les cas, les Romains pouvaient exercer contre les habitants ou ces derniers contre les Romains. Le gouverneur, à son entrée dans la province, publiait un édit presque semblable en tout à celui du préteur de Rome. Cet édit renfermait les principes d'après lesquels devaient être jugés les procès ; principes exposés souvent avec un laconisme et une obscurité qui laissaient une grande latitude au magistrat. Parfois, le nouveau gouverneur adoptait l'édit de son prédécesseur, et, dans ce cas, on lui donnait le nom de Translatitium. Les provinces étaient régies par des sénatus-consultes particuliers à chacune d'elles ou communs à toutes. Les procès entre les citoyens romains étaient jugés d'après les lois romaines. Au-dessus des magistrats principaux, était placé le préteur des deux îles, désigné par le sort, par le sénat ou par le peuple romain. Ses fonctions étaient annuelles, mais pouvaient être prolongées. Elles commençaient du jour de son arrivée sur les terres de sa juridiction. Ce magistrat résidait dans la ville principale, c'est-à-dire à Karalis, Cagliari, en Sardaigne. Il exerçait tous les pouvoirs judiciaires, administratifs, militaires, c'est-à-dire la juridiction, potestatem, et le commandement, imperium. Il était assisté dans l'exercice de ses fonctions par des officiers placés sous sa dépendance. Au premier rang étaient les lieutenants du préteur, legati, nommés par lui avec l'assentiment du sénat, quelquefois seulement par ce dernier, rarement par le peuple. Ils pouvaient être plus de trois, jamais moins ; l'un d'eux résidait en Corse, on ignore dans quelle ville. Il est inutile de parler ici des autres officiers, parce qu'ils étaient étrangers à l'administration de la justice. Tous ces fonctionnaires, officiales, formaient un corps nommé office, officium ; leur nombre répondait à l'étendue et aux charges de la province. À son départ de Rome, le préteur recevait du sénat d'utiles avertissements pour bien gouverner ; on lui recommandait de suivre les règles ordinaires en confiant la juridiction aux légats ; d'écouter avec patience les avocats ; d'expédier les causes avec activité et chacune à son tour ; de refuser les présents de valeur, et, pour ceux de peu d'importance, d'avoir toujours présent à la pensée le proverbe suivant : Neque omnia, neque quovis tempore, neque ab omnibus. Telles étaient les principales instructions auxquelles ils devaient se conformer. Le trésor public pourvoyait aux besoins de tous les fonctionnaires. Ils n'eurent un traitement que sous les empereurs. La justice s'administrait ordinairement pendant l'hiver, dans les villes principales nommées conventus, conciliabula, où étaient tenus de se rendre les plaideurs et les citoyens romains. Les audiences du magistrat étaient appelées sessiones, et quelquefois conventus. Les jours et l'heure étaient fixés par le juge. Au préteur seul appartenait le pouvoir absolu, merum et mixtum imperium, moins le droit de condamner à la déportation. Il pouvait confier l'exercice de son autorité au lieutenant destiné à le remplacer, mais à charge d'appels. À son arrivée dans la province, ainsi qu'au commencement de chaque année, le préteur rédigeait, comme à Rome, une liste des juges, decuriœ judicum, appelée aussi par fois conventus. Ces listes étaient affichées dans le forum, après l'affirmation du préteur de n'y avoir inscrit que des gens de bien, judices in albo relati. Les juges assistaient aux procès criminels et civils, publica judicia, privata judicia. Ils se nommaient recuperatores, quelquefois judices, et presque toujours étaient choisis parmi les citoyens romains habitants de la province. Les personnes non inscrites sur la liste et appelées, dans certaines occasions, à juger, ce qui pouvait arriver, étaient nommées instantanei. La procédure alors était sans doute plus abrégée et l'objet du litige mieux déterminé. Les recuperatores rendaient la justice au nombre de 3, de 5, et, pour les procès importants, au nombre de 20. Ils devaient être agréés des parties intéressées, nommés par le gouverneur, avec le consentement de celles-ci, ou désignés par le sort, et, comme on disait, d'office. Les plaideurs ne pouvaient motiver les récusations des juges. » Coup d'oeil sur l'ancienne législation de la Corse / [par G.-C. Gregorj] Date de l'édition originale : 1844 Sujet de l'ouvrage : Droit -- France -- Corse (France) -- HistoireCorse (France) -- Jusqu'à 1347Corse (France) -- 1347-1768 (Domination génoise) Appartient à l'ensemble documentaire : RCorse1Avec mode texte Le présent ouvrage s'inscrit dans une politique de conservation patrimoniale des ouvrages de la littérature Française mise en place avec la BNF. HACHETTE LIVRE et la BNF proposent ainsi un catalogue de titres indisponibles, la BNF ayant numérisé ces oeuvres et HACHETTE LIVRE les imprimant à la demande. Certains de ces ouvrages reflètent des courants de pensée caractéristiques de leur époque, mais qui seraient aujourd'hui jugés condamnables. Ils n'en appartiennent pas moins à l'histoire des idées en France et sont susceptibles de présenter un intérêt scientifique ou historique. Le sens de notre démarche éditoriale consiste ainsi à permettre l'accès à ces oeuvres sans pour autant que nous en cautionnions en aucune façon le contenu. 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