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La transfusion sanguine et le droit ont une longue histoire commune : histoire oubliée des transfusions de sang d'animal à l'homme qui, tentées pour illustrer la pensée cartésienne, aboutirent à une première condamnation des tribunaux en 1668 ; histoire discrète et entêtée des magistrats, inscrivant pas à pas dans l'État de droit une médecine rebelle qui revendique sa responsabilité scientifique et morale, mais récuse sa responsabilité juridique. Mais au silence presque absolu qui entoura les milliers de contaminations syphilitiques a répondu la révolte des victimes du sida.Il fallait raconter les deux guerres et la grande geste du bénévolat, qui ne vint ni d'une spécificité française, ni de la loi, mais de la résistance et de la Libération. Il fallait dire aujourd'hui l'Europe du sang, qui n'en finit pas d'hésiter entre les droits de l'homme et le marché. Il fallait montrer surtout que ce drame pouvait changer la conduite politique des systèmes techniques : plus de mille procès devant les juridictions civiles, administratives et pénales, ont confirmé les responsabilités des « fournisseurs » de sang, celles de l'État, et la responsabilité pénale personnelle des agents de l'État et de l'industrie. Ils ont dessiné les grandes lignes de la prise de décision dans un contexte d'incertitude scientifique. Pour résoudre la crise, il fallut encore deux lois et une révision de la Constitution, qui pourrait à terme nous faire changer discrètement de régime politique.Happés par l'actualité immédiate d'un drame exemplaire, nous ne nous sommes pas encore les moyens d'en comprendre la portée politique : pour la première fois sans doute, toutes les branches du droit ont été sollicitées dans un processus de maîtrise du projet technique, désormais totalement inscrit dans le gouvernement de la cité.