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1961-1963, Marguerite Yourcenar approche de la soixantaine. Pour beaucoup, un âge d'interrogations, de conscience aiguë de l'âge qui vient. Rien de ce genre chez elle. Au contraire. Elle affirme une belle solidité dans l'accueil des années à venir. Le temps qui vient sonne même comme prometteur pour elle. De fait, sa vie se poursuit pareille à ce qu'elle a été depuis qu'elle a mouillé l'ancre à Bar Harbor, caractérisée par le même élan, la même force créatrice. Dans cette existence qu'elle a voulue toute consacrée à la pensée et à l'écriture, la pérennité révèle un approfondissement de l'expérience. «Vous êtes si bien faite pour "persévérer dans l'être"», écrit-elle à Natalie Barney. Mais lectrices et lecteurs savent que ce mot de Spinoza peut aussi s'appliquer à Yourcenar elle-même. En effet, c'est en persévérant dans son être que Yourcenar, au long des jours, a réussi à tisser entre eux les fils de réflexions émanant de ses différentes recherches et études. Tout un condensé de sa vie créatrice, de sa pensée, de son expérience littéraire, de son éthique, de ses réflexions sur le mal - la cruauté en l'homme - et sur l'Histoire, se profile et nous fait entrevoir l'écrivain dans sa maison de Bar Harbor, mais aussi en voyage parfois, entourée de livres, ceux qu'elle écrit et ceux qu'elle lit, puisant à mille champs du savoir, sachant ce qu'elle cherche, non ce qu'elle va découvrir, retenant ce qu'elle veut, le transformant. Elle aussi alchimiste du verbe ! Toute une expérience intellectuelle et littéraire, une expérience de vie, qu'elle communique - en répondant à des appels de lecteurs, certains eux-mêmes écrivains en herbe, en écrivant à des amis ou à d'autres qui ne le sont pas -, soucieuse toujours d'un échange intellectuel permanent avec autrui. Texte établi et annoté par Joseph Brami et Rémy Poignault, avec la collaboration de Maurice Delcroix, Colette Gaudin et Michèle Sarde. Préface de Joseph Brami et Michèle Sarde.