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«Étudier la vie de Staline sans passion», la tâche n'était pas facile, et le propos pouvait sembler inquiétant. La parfaite réussite du livre montre que, conduite avec rigueur, sur la base d'une documentation exhaustive, une approche «sans passion» de Staline et du stalinisme est non seulement possible, mais peut-être la plus riche en suggestions théoriques, et aboutir à la mieux motivée, et donc à la plus convaincante, à la plus définitive des condamnantions. La passion, d'ailleurs, est présente à chaque page de cette vie de Staline : mais elle naît comme spontanément des faits rapportés et de leur mise en relation, constamment contrôlée. Le tour de force d'Adam B. Ulam est d'avoir su écarter de son sujet tout système d'explication a priori ; ce refus des facilités théoriques, qui ruinent tant d'ouvrages sur la question, lui permet précisément d'en venir aux conclusions les plus fortes, et d'une portée théorique certaine. «Mieux que le culte de la personnalité, le culte du Parti constitue l'essence du stalinisme et l'explique.» Le despote étant identifié au Parti, nul ne l'attaque plus. Boukharine lui-même croyait Staline trompé par le N.K.V.D. Ainsi parvint-il à «faire de toute la nation sa complice». Et non seulement la nation russe, mais tous les communistes étrangers, pareillement soumis au dogme : preuve que c'est bien au règne du dogme en dernière analyse (et non à l'appareil de terreur) qu'est essentiellement lié le stalinisme.