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Lorsqu'en 1894 Valéry ouvre les Cahiers qu'il ne cessera de tenir jusqu'à sa mort, son ambition n'est pas d'en faire un lieu de poésie, mais l'espace au contraire d'une réflexion abstraite qui se développera inlassablement, chaque jour, sur près de trente mille pages. L'un des étonnements du lecteur est bien alors de découvrir très tôt, parmi les analyses abstraites, des poèmes en prose que rien ne préméditait et qui constituent le second versant méconnu de l'œuvre poétique. Un partage capital s'opère en effet : le travail du vers s'accomplit hors des Cahiers et il est ouvertement destiné au lecteur ; le poème en prose, au contraire, reste tourné vers son auteur et dans un espace d'écriture privée.Il fallut attendre l'approche de la Seconde Guerre mondiale pour que Tel Quel, Mélange et Mauvaises Pensées, recueils comme on sait composites, fassent une place - mineure - à certains de ces textes. Et dans Tel Quel, le titre de «Poésie perdue» sous lequel il les réunit semble porter négligemment au jour des feuillets égarés, ou arrachés à un lointain passé, mais qui valent cependant d'être lus, malgré tout. Titre admirable, cependant, et qu'il a semblé légitime de reprendre en tête de cette édition qui rassemble pour la première fois la totalité des poèmes en prose des Cahiers - longtemps perdus précisément dans leurs pages innombrables, mais ici retrouvés. Extraits des Cahiers, ces poèmes en prose spontanés n'avaient jamais été rassemblés.