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Le portrait, tel que l'entend Suarès doit rivaliser avec le roman ou le drame. «Le premier, j'ai traité les paysages et les villes comme des caractères ; et j'en ai fait des portraits analogues aux portraits d'hommes». «Caractères», le mot revient sans cesse, pour susciter l'élan créateur. Un portrait de Suarès est une peinture en mouvement. Il s'agit d'exercer un pouvoir de résurrection à la manière d'un Michelet ou d'un Balzac, deux sources de sa «mise en scène». Pour nourrir sa fresque, Suarès puise dans une culture admirable, l'une des plus complètes de sa génération, y compris les sciences. Voilà les règles pour «vivre en abeille sur les pentes du Parnasse», tout en gardant l'instinct - miraculeux - d'une lecture fraîche des œuvres, débarrassées des systèmes et des dogmes. Suarès paraît même un ancêtre de la critique textuelle ! «Nature, infini palimpseste : mais il doit y avoir un texte là-dessous. Il doit y avoir un sens à ce texte - Quel doute est-ce là ? Un sens, tu veux un sens ? Donne-le lui». Les options de Suarès sont toujours d'un poète : «Dans un artiste réellement vivant, il y a dix et vingt hommes, cent même s'il dure, tout divers, plusieurs contraires entre eux, fussent-ils parents, qui viennent au jour les uns après les autres». Ne croirait-on pas lire déjà Pessoa ? «J'ai cent vies à tenter», et cent vies sont nécessaires pour visiter toutes ces âmes auxquelles Suarès prête à profusion les multiples facettes d'un génie protéiforme.