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À la fin de l'année 1900, les Cahiers changent durablement d'aspect. Une écriture disciplinée s'installe dans l'espace stable de grands registres cartonnés, révélant le souci d'un travail régulier maintenant devenu rituel. Le quatrième volume de l'édition intégrale, établie d'après les manuscrits originaux conservés à la Bibliothèque nationale, contient les trois premiers cahiers d'une longue série chronologique, commencés respectivement en novembre 1900, juillet 1901 et novembre 1901. Valéry a trouvé sa devise, que rien désormais ne démentira : «J'ai l'esprit unitaire, en mille morceaux.» Elle dit la volonté de ne jamais donner prise, le principe de rupture qui préside au choix de la forme fragmentée. Sous l'hétérogénéité apparente de notes très diverses, le texte a pourtant sa continuité souterraine. Le but principal se dit, comme naguère, représenter la connaissance et tenter d'en définir le fonctionnement. Valéry reprend un très ancien problème : le rapport de l'image sensible et de l'intelligible, de la sensation et du concept. La recherche est sous-tendue par une lecture critique, avouée ou tacite, des philosophes : Aristote, Thomas d'Aquin, Descartes et surtout Kant suscitent le désir de repenser les concepts fondamentaux de la culture occidentale. Mais une autre tension anime ces cahiers : celui qui se plaçait sous le signe de la mystique de l'intellect se confronte à l'étrangeté corporelle. Comment l'esprit peut-il s'accommoder du corps, cet incompréhensible véhicule du Moi, avec son langage obscur et les mystères de ses organes ? L'importance maintenant accordée à la condition incarnée freine l'élan d'une ascèse qui rêva de conduire l'esprit là où il coïnciderait avec les structures a priori de la conscience : à la Limite.