Prix public : 20,00 €
Gourmande, la fin du 19e siècle l'a été sans complexe d'hygiène ou d'esthétique. Les ouvrages de l'époque destinés aux maîtresses de maison de toutes conditions (ils font l'objet du 1er chapitre) montrent qu'on mange alors beaucoup et autrement que nous, à condition toutefois d'en avoir les moyens financiers. Les différences entre classes sont très marquées. Les manières de table ont aussi une grande importance. Une "morale alimentaire" s'épanouit donc : elle est personnelle, sociale, politique et religieuse. Les écrivains étant concernés par tout ce qui touche à cette "gourmandise" régnate, ils pouvaient ainsi, à travers la nourriture, marquer fortement leurs interrogations sur les rapports avec le corps, la femme, la société, la religion. Par ce moyen privilégié, Valles dit son opposition à toute discipline, Jules Renard vomit les mets comme une mort, Laforgue exprime son obsession régressive, Apollinaire sa joie de vivre et sa hantise de l'imposture, Daudet montre son ambiguïté devant son midi natal, Dujardin l'aboulie contemporaine. C'est Maupassant et Huysmans qui offrent la plus riche palette de thèmes et de genres : le premier dit l'aliment comme délice gourmand et érotique mais retourne sa célébration en critique sociale, en fantastique, sadisme, promesse de mort ; le second va du réalisme aux raffinements, au satanisme puis à l'exaltation de l'hostie. Cette littérature des mets donne lieu à des expressions significatives : métaphores, écriture blanche ou redondante, développements placés à des endroits stratégiques de l'oeuvre. Mieux encore, les mets inspirent des mots et des rythmes s'identifiant à l'écriture même, car il existe un rapport très intime entre eux, la respiration et la parole. Le sujet touche donc à la sociologie comme à la stylistique, à des interrogations ou pulsions qui sont encore les nôtres. C'est assez récemment que la critique française comme étrangère s'est intéressée à ces rapports entre nourriture et littérature.