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Critiquer les diverses formes de domination, débusquer les mécanismes qui assurent aux puissances établies leur apparente légitimité, telle est une des principales vocations des sciences humaines. Mais toute distinction est-elle injuste, et toute inégalité est-elle suspecte ? Qu'en est-il des distinctions fondées sur les grandeurs naturelles de l'intelligence et de la vertu ? Ne devrait-on pas considérer ces grandeurs comme des biens précieux, et ne devrait-on pas, à ce titre, leur conférer une forme d'autorité politique et sociale ? Les citoyens démocratiques eux-mêmes ne tireraient-ils pas profit de gouvernants avisés et vertueux ? A vrai dire, pour peu que l'on puisse s'entendre sur les qualités qui rendent un individu digne de gouverner, rien ne serait plus juste et plus bénéfique que confier le pouvoir aux meilleurs. Pourtant, Aristote, Pascal et Tocqueville, qui furent au plus haut point soucieux de la grandeur humaine se montrèrent réservés sur l'opportunité d'instituer une véritable méritocratie. Ce livre s'attache donc à comprendre leurs réserves, mais aussi à comprendre comment ils envisagèrent la survie de la grandeur humaine.