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Notre époque est celle d'une crise totale. La crise contemporaine est l'événement en lequel se révèle la logique de l'Histoire qui s'y accomplit. Cette logique est ici restituée à partir de Hegel, qui découvre dans l'Histoire un processus de totalisation achevé dans la « totalité autonome » de l'État, régie par la terreur et la guerre. Cette figure de l'État correspond au concept de totalitarisme. Or le nazisme, caractérisé par la désintégration de l'appareil d'État, montre que le totalitarisme n'est pas forcément étatique : il existe un processus immanent de totalisation dont les régimes totalitaires ne furent que des phénomènes. Ce processus est celui que Tocqueville a vu dans la massification des sociétés dites démocratiques. Il échoue à l'expliquer, le fondant sur la Providence divine, mais a vu son lien avec la révolution industrielle. C'est Marx qui a pensé jusqu'au bout le processus de totalisation immanent au champ des pratiques, en découvrant dans le Capital la puissance de mobilisation et de massification motrice de l'industrialisation : le capitalisme est en cela l'essence du totalitarisme contemporain, et la mondialisation n'est autre que la totalisation propre au Capital. Le surmontement de la crise s'identifie dès lors au dépassement du capitalisme. Mais le capitalisme se définit par l'autonomisation du système des objets par rapport à la communauté des sujets ; l'automatisation propre au dispositif technique est plus fondamentale que le capitalisme. Notre époque est ainsi celle du « totalitarisme technocratique » analysé par Anders : menace d'une mécanisation de l'humanité, c'est-à-dire de sa déshumanisation. Reste alors à penser ce qui se dit dans une telle catastrophe.