EAN13
9782200269968
Éditeur
Armand Colin
Date de publication
6 octobre 2006
Collection
Nathan Université
Nombre de pages
188
Dimensions
22 x 16 cm
Poids
272 g
Langue
fre

La Religion, Cicéron, Spinoza, Lucrèce, Bergson, Hegel

Jacqueline Lagrée

Armand Colin

Prix public : 24,00 €

Introduction?>Je propose des fantaisies informes et irrésolues, comme font ceux qui publient des questions douteuses, à débattre aux écoles : non pour établir la vérité mais pour la chercher.Montaigne, Essais, I 56, « Des prières1».La religion est un phénomène social massif, à la fois par ses manifestations visibles (le culte, les cérémonies) et par le nombre de personnes qu'elle concerne, directement en tant que croyants ou pratiquants, et indirectement par ses effets sociopolitiques et par la façon dont elle conditionne les mentalités. Après le matérialisme des Lumières au XVIIIe siècle, le culte de la science au XIXe siècle et le matérialisme dialectique au XXe siècle, on a parfois pensé que la religion était un phénomène en voie de dépassement : sur le plan des croyances par le progrès des sciences, sur le plan des pratiques par les progrès de la démocratie, sur le plan des espérances par le développement des techniques et un confort plus grand. Toutefois, avec l'échec démocratique des régimes politiques se réclamant du matérialisme dialectique, la montée en puissance des organisations religieuses dans les pays pauvres, la renaissance de mouvements fondamentalistes2dans les trois grandes religions monothéistes qui se partagent le globe (judaïsme, christianisme, islam), il est clair que la religion tient toujours un rôle décisif dans le concert politique. La prégnance de la religion en de nombreux pays, les difficultés du pluralisme religieux, l'exigence de repenser la laïcité dans un autre contexte que l'affrontement institutionnel, ce sont là des phénomènes massifs de notre temps dont la philosophie ne peut se désintéresser si elle prétend, comme le voulait Hegel, penser son temps.Le lien religieux? Définition de la religion?>Les diverses définitions du terme religion renvoient généralement à celle qui fut posée par Cicéron : « la religion est le fait de se soucier d'une nature supérieure et de lui rendre un culte » (De l'invention, II 53). Cicéron lui assigne une double étymologie : religere (relire) ou religare (relier). Relire privilégie le rapport à la tradition et aux ancêtres ; relier (préféré par Lactance) privilégie la relation verticale à la transcendance et horizontale à la communauté des croyants. Mais on peut aussi faire dépendre religio de relegere qui connote le fait de se fier à quelqu'un. On retrouve la même ambiguïté dans l'emploi du verbe credere, croire en latin, puisque credere aliquem signifie « croire quelqu'un qui vous dit quelque chose » ; credere aliquid, c'est croire quelque chose ou poser une assertion affirmative ; credere in Deum, c'est croire que Dieu est ou existe ; credere Deo, c'est faire confiance à Dieu, la foi (fides) désignant à la fois la confiance et la fidélité. Les Anciens, par le vocabulaire même, soulignaient la proximité entre religion et superstition, marquée par la consonance entre religio, religens et religiosus qui signifie superstitieux. Comme l'écrivait Aulu-Gelle : « religentem esse oportet, religiosus ne fias » : « il faut être consciencieux mais pas scrupuleux (ou superstitieux) ».Littré, dans son Dictionnaire, définit la religion comme « un ensemble de doctrines et de pratiques qui constitue le rapport de l'homme avec la puissance divine », ce qui convient bien aux religions païennes ou monothéistes mais assez mal aux religions orientales qui privilégient l'écoute, la confiance, la vénération, le respect, le rite (dharma). Le grec ancien a bien des vocables pour dire la piété (eusébéia), le respect religieux (aidos), le culte (latréïa), mais il n'a pas de terme propre pour désigner la religion. On admettra cependant qu'on peut parler de religion quand on a affaire à un ensemble de phénomènes et d'expériences qui associent certains sentiments (le respect, la vénération pour un ou des êtres qui nous dépassent), certaines attitudes, normées par des rites, certaines croyances collectives qui impliquent une relation verticale à un tout autre et une relation horizontale à une communauté de foi et enfin certaines règles de vie et espérances partagées. Quand on compare les religions instituées et qui se sont désignées comme telles dans l'espace et le temps, on en vient en effet à dégager certains invariants qui tiennent une place et jouent sans doute un rôle différent selon les religions et les cultures, mais sans lesquels on ne saurait proprement parler de religion. Ce sont : a/ la distinction du sacré et du profane ainsi que du pieux et de l'impie ; b/ l'existence de croyances (une foi), de règles de vie (une loi), d'une mémoire (une tradition), d'une attente (une espérance). Toute religion implique une conception du sacré3ainsi que du crédible et du fiable. Comme l'écrivait J. Derrida : « Point de religion sans sacramentum, sans alliance et promesse de témoigner en vérité de la vérité4. »
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