Prix public : 12,80 €
INTRODUCTION?>L'économie de l'éducation est née en tant que discipline académique au début des années 1960 aux États-Unis, avec des chercheurs comme Schultz, Becker, Mincer. Cependant, les économistes n'ont pas attendu cette période pour s'intéresser à l'éducation. Tout au contraire, dès les premiers écrits économiques, les questions d'éducation et de formation de la main-d'œuvre sont présentes, que ce soit au XVIIIe siècle chez l'économiste anglais Adam Smith, père de la théorie du libre-échange, ou bien encore à la fin du XIXe siècle chez l'un des fondateurs de la théorie dite néoclassique, Alfred Marshall. L'historien ne voit pas un hasard dans l'émergence de l'économie de l'éducation au début des années 1960. En effet, c'est une période qui a connu un fort accroissement des effectifs d'élèves et d'étudiants, lié à la fois à une démocratisation des systèmes éducatifs et à une demande renforcée de travailleurs qualifiés. Nous sommes en France dans la période dite des « Trente glorieuses », qui correspond à une trentaine d'années de forte croissance provoquée, au départ, par la reconstruction postguerre, puis par la transformation des techniques de production et par l'expansion des marchés. Les autres pays industrialisés connaissent des évolutions semblables, les États-Unis s'étant engagés dans une politique de développement des activités de recherche, notamment spatiales, dans le cadre de la compétition avec l'Union soviétique. Cette période du début des années 1960 voit aussi se consolider des systèmes statistiques nationaux permettant de collecter et de stocker des informations liées à la comptabilité nationale, à la production, aux coûts des facteurs de production, etc.L'affirmation de l'économie de l'éducation en tant que discipline académique est indéniablement reliée à la publication en octobre 1962 d'un numéro spécial de la prestigieuse revue The Journal of Political Economy intitulé Investment in Human Beings. Mais plus que de promouvoir une nouvelle discipline, ce numéro lance une nouvelle théorie, celle du capital humain, aujourd'hui bien diffusée dans les esprits.Pour résumer, la théorie du capital humain suppose que l'individu investit en lui-même à un moment donné pour bénéficier d'une satisfaction future plus élevée que celle qu'il aurait eue sans cet investissement. Investir, cela signifie renoncer à une consommation et à une satisfaction présentes. Dans le cas où l'individu décide d'accroître ses connaissances, ses capacités productives, il devra consacrer des ressources à cette activité, ressources qu'il ne pourra pas consacrer à sa consommation. Dans le cas d'un élève en fin de scolarité obligatoire (le raisonnement est un peu différent pour les élèves plus jeunes), il, elle, ou sa famille, devra prendre en compte les coûts de scolarité que peut représenter une scolarité ultérieure (manuels, équipement pédagogique, déplacements, etc.), ainsi que le renoncement au revenu du travail si la décision est prise de ne pas se porter tout de suite sur le marché de l'emploi. Pour les théoriciens du capital humain, l'éducation ne représente pas le seul investissement possible, l'individu pouvant aussi, de la même manière, investir en formation professionnelle continue, en santé, en information, etc. Ces théoriciens poursuivent l'analogie en supposant que l'individu fonde sa décision d'investissement en calculant un taux de rendement qui permet de comparer l'avantage potentiel de l'investissement en capital humain avec celui des autres investissements alternatifs, actions, livret de caisse d'épargne, etc. Dans un tel univers, on ne distingue plus les capitalistes des travailleurs : tout le monde est capitaliste...L'économie de l'éducation a été introduite en France par quelques pionniers au premier rang desquels figure Jean-Claude Eicher, qui fonde en 1971 l'IREDU, Institut de Recherche sur l'Économie de l'Éducation, à Dijon. La reconnaissance académique de la discipline est officialisée par un numéro spécial de la Revue d'économie politique de 1973. Mais ce numéro marque aussi des doutes sur la portée de la discipline. L'article de Jean-Claude Eicher intitulé dans ce numéro : « L'éducation comme investissement : la fin des illusions ? » est révélateur à cet égard. Dans la même lignée, l'article de l'économiste anglais Mark Blaug, pionnier de l'économie de l'éducation en Grande-Bretagne, publié en 1976 sous le titre « Human capital theory : A slightly jaundiced survey » (La théorie du capital humain : une recension des travaux quelque peu critique) considère que la théorie du capital humain, malgré de nombreuses impasses, conserve un pouvoir explicatif supérieur à celui de ses rivales.