EAN13
9782200347475
Éditeur
Armand Colin
Date de publication
14 novembre 2007
Collection
DD.ANT.COLIN GP
Nombre de pages
298
Dimensions
24 x 16 cm
Poids
512 g
Langue
fre

Les Embusqués

Charles Ridel

Armand Colin

Prix public : 43,00 €

Composition : Yves Tremblay Photo de couverture : © © Armand Colin, Paris, 2007 Armand Colin• 21, rue du Montparnasse• 75006 Paris 9782200258603 — 1re publication Avec le soutien du www.centrenationaldulivre.frRemerciements Version remaniée d'une thèse de doctorat, cet ouvrage s'est enrichi des remarques des membres du jury qui l'ont validée : que monsieur Jean-Noël Jeanneney, Président du jury, monsieur Stéphane Audoin-Rouzeau, monsieur Jean-Jacques Becker, monsieur John Horne et monsieur Christophe Prochasson en soient très sincèrement remerciés. Ma reconnaissance est particulièrement grande à l'endroit de Stéphane Audoin-Rouzeau qui a dirigé cette thèse avec un constant dynamisme, offrant au jeune chercheur ses précieux conseils, sa rigueur intellectuelle et sa grande disponibilité matérielle. Cet ouvrage repose sur des sources historiques dont la découverte et l'exploitation doivent beaucoup à la collaboration de Marie-Odile Germain, chargée du fonds Maurice Barrès au Département des Manuscrits occidentaux de la Bibliothèque Nationale, madame Bouvier du Service Historique de l'Armée de Terre, ainsi que Thérèse Blondet-Bish, responsable du fonds iconographique et photographique du Musée d'histoire contemporaine de l'Hôtel National des Invalides. Dans cette passionnante quête de sources, monsieur Jean-Noël Jeanneney m'a grandement facilité la tâche en communiquant avec libéralité les archives privées de Jules Jeanneney, son grandpère. Enfin, que tout le personnel des bibliothèques et fonds d'archives fréquentés (SHAT, BDIC, Bibliothèque François Mitterrand, Archives Nationales) soit également vivement salué pour son efficacité et son amabilité. Pour la chaleur de son accueil et la rigueur de son travail, je tiens à remercier l'équipe éditoriale d'Armand Colin, en particulier Corinne Ergasse-Varis. Ce parcours de recherche n'aurait probablement pas abouti sans le soutien intellectuel, moral, matériel ou technique des personnes suivantes : Ludovic Balavoine, Fabienne Bock, Michel Leparquois, Jean-Marc Luciani et Emmanuel Saint-Fuscien. Ma gratitude est grande aussi à l'égard de Véronique Fruit pour son remarquable travail de relecture. Enfin, comment ne pas saluer la patience et l'appui affectif de tous mes proches. Merci encore à Nathalie, mon épouse, et à Juliette, Zoé et Valentine, mes filles, pour ce précieux temps qu'elles m'ont laissé. PREMIÈRE PARTIEApogée et déclin d'une rumeur : « l'embuscomanie » (1914-1918) « Embuscomanie » : l'expression se lit souvent dans les sources pour qualifier la rumeur qui, de toutes parts, poursuit les « embusqués ». Les Français « embuscomaniaques » ? On est bien forcé de l'admettre lorsqu'on observe l'étonnante inflation du champ lexical alors utilisé pour les stigmatiser. Il faut remarquer que le mot « embusqué » n'a pas toujours connu cette signification péjorative. L'acception première était militairement plutôt flatteuse : tirant son étymologie de l'italien « bosco » qui signifie « bois », le verbe « embusquer » (« imboscare ») a longtemps appartenu au vocabulaire cynégétique. À l'image du chasseur caché pour mieux surprendre le gibier, le soldat « embusqué » était en effet, à l'origine, tendu vers l'attaque de l'ennemi ou « l'embuscade ». C'est à partir de la moitié du XIXe siècle que le mot subit une complète inversion sémantique pour désigner au contraire celui qui fuit le danger et le devoir des armes. Jusqu'au déclenchement du conflit, « embusqué », « embusquage », « embuscade » restent essentiellement des « mots de caserne1 ». À notre connaissance, c'est Georges Clemenceau qui réutilise le premier ce terme dans L'Homme Libre du 31 juillet 1914. Par la suite, l'emploi du mot est généralisé et subit de nombreuses déclinaisons. La palette lexicale est plutôt riche. Les contemporains du conflit font subir de multiples déformations au mot. En fait, cette prolifération lexicologique renouvelle sans cesse le signifiant pour accroître la valeur péjorative du signifié et l'efficacité de la stigmatisation. Tous les procédés littéraires sont mis à contribution et concourent à l'idée que « l'embusqué » est une réalité protéiforme. Un procédé fréquent consiste à appliquer à la racine embusqué de nombreuses dérivations par l'adjonction d'un suffixe ou d'un préfixe. Ceci permet en particulier de décliner à l'infini les statuts, les positions de l'embusqué : si on peut « débusquer » l'individu honni après une opération de « désembuscation », celui-ci parvient malgré tout à se « rembusquer » ou « réembusquer », voire mieux encore à se « surembusquer ». En tout cas, la question ne suscite pas l'indifférence et divise la population en « embuscophobes », « embuscophiles » ou « embuscomaniaques ». Pour donner une identité à l'insaisissable embusqué, pour mieux le repérer et le dénoncer sans doute, certains ont recours à la dénomination propre par antonomase : après transformation orthographique, embusqué devient en effet un patronyme. Veut-on supposer par là que cette attitude est une tare congénitale, héréditaire et ancienne ? L'incorporation de l'article au surnom embusqué plaide en faveur de cette hypothèse : il y a des Lembusqué comme il y a des Lécuyer ou des Langlois. Cette dénomination, lorsqu'elle comporte une particule (Jean des Embuscadins), a pour objectif de stigmatiser aussi une classe sociale prédisposée à l'embusquage des siens. Exemples qui, parmi tant d'autres, montrent bien que « L'embusqué » se cache partout ; il est, sur le plan lexical du moins, omniprésent et insaisissable. Sans doute insolite et réducteur, ce rapide détour lexicologique résume pourtant l'ambition de la première partie de cet ouvrage : l'étude de la figure de « l'embusqué » dans la société française en guerre. Il s'agit plus précisément de reconstituer le portrait ou les modèles de « l'embusqué » qui ont pu être proposés aux contemporains du conflit. La question des embusqués eut-elle, au quotidien et dans l'intimité des vies anonymes absorbées par l'effort de guerre, l'importance que suggère l'analyse des principaux médias de la période ? A-t-elle été vécue comme un drame à la fois individuel et national ou n'a-t-elle été qu'un épiphénomène mondain et parisien ? Que dire des innombrables séances parlementaires ou articles de presse consacrés à la question ? En somme, ces discours offrent-ils un miroir fidèle ou un miroir déformant des Français en guerre ? En répondant à ces questions, les chapitres 1 et 2 dégagent un pan passionnant des représentations de guerre, politiques et culturelles, des Français et permettent d'approcher les mécanismes de mobilisation, d'adhésion et de rupture à l'œuvre pendant le conflit de 1914-1918. On ne peut éluder ici une autre question : celle de la chronologie. Ces discours ont-ils subi des inflexions au cours des quatre années du conflit ? L'opprobre a-t-il pesé pendant quatre ans ou, au contraire, s'est-il dilué ou transformé avec l'usure du conflit ? Certes, il est difficile de soumettre les représentations collectives de millions d'acteurs du conflit à une tentative de périodisation, en particulier sur le « temps court » de 1914-1918. C'est donc plutôt une esquisse de périodisation que nous proposons ici, à partir d'un corpus restreint de journaux de tranchées (31 au total) et des lettres de la correspondance Barrès. Les journaux du front de notre sélection comptent trois cent vingt-sept « occurrences » (articles, récits, poèmes, devinettes, caricatures) sur le problème des embusqués, alors que 1 233 lettres reçues par Barrès s'en font également l'écho (soit 8 % des 15 362 lettres de sa correspondance). Sur le plan chronologique, la concordance des sources est assez spectaculaire et permet de distinguer deux périodes. Les années 1914-1916 représentent l'apogée de cette « embuscomanie » combattante et civile. Près de 67 % des articles rédigés sur cette question dans les journaux de tranchées le sont pendant ces deux années, alors que 81 % des lettres reçues par Barrès se répartissent sur la même période. À partir de 1917, le reflux quantitatif est net. La rumeur tombe même à un niveau très faible en 1918 : les journaux du front, avec 7 % des occurrences, sont moins pro...
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