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Introduction?>Il faut saluer, comme il se doit, l'arrivée de Milton, penseur républicain, au programme de l'Agrégation externe d'anglais. Tout d'abord, parce qu'il s'agit d'une occasion rare : la dernière fois que Milton était au programme remonte à 1990, soit une génération, mais il s'agissait du poète, plus exactement, des poèmes mineurs de Milton. Cette occasion rare est même unique puisque nous fêterons, l'an prochain, le 400e anniversaire de la naissance de Milton.Milton est connu des anglicistes comme l'auteur sublime de Paradise Lost, immortalisé en français par Chateaubriand dans une traduction à laquelle il a consacré 30 ans de sa vie. Cette traduction, il l'a voulue vivante, et « comme sur une vitre », la plus fidèle possible au texte anglais.Avec Milton, penseur politique, le XVIIe siècle entre étrangement en résonance avec l'époque contemporaine : Milton a balbutié les droits de l'homme, écrivait fort judicieusement Auguste Geffroy en 1848. On a récemment cité Milton au Sénat lors des débats sur le PACS, avant d'ordonner une traduction de son traité sur le divorce. 1 Or, chez Milton, le divorce mène à la République, car il pense le lien, qu'il soit matrimonial ou politique, comme un contrat résiliable. Mirabeau a brandi Areop pour demander l'ouverture d'États-généraux ; si TKM pose le droit fondamental des peuples à changer de gouvernants ou de gouvernement quand bon leur semble, il a valu à Milton d'avoir une place au service du Commonwealth and free State of England.Présenté comme penseur politique, Milton apparaît comme un précurseur qui ne peut qu'intéresser l'époque actuelle. On ne peut que s'en féliciter. Vous retrouverez des informations complémentaires, régulièrement mises à jour, sur le site web de la Société d'études miltoniennes, à l'adresse http://www.john-milton.org, rubrique « Agrégation ». Le 29 octobre 20071 Voir John Milton, Doctrine et Discipline du Divorce (2eéd., 1644), traduction, introduction et notes critiques de Christophe Tournu, postface philosophique de Sandra Laugier et d'Olivier Abel, Paris, Belin, « Littérature et politique », 2005.?>1?>Milton Agonistes?>Si Areopagitica est le premier écrit libéral dans l'histoire de l'humanité, si The Tenure of Kings and Magistrates est un écrit républicain révolutionnaire, il ne faut pas voir l'itinéraire de la vie de l'auteur comme téléologique, comme tendant naturellement vers un républicanisme libéral. Milton ne fait pas partie de cette frange puritaine « radicale » chère à l'historien marxiste Christopher Hill, de ces gens qui voulaient « mettre le monde sens dessus dessous », mais il appartient à la bourgeoisie commerciale en plein essor au XVIIe siècle.John Milton naît à Londres le 9 décembre 1608. Fils d'un scrivener, sorte d'avoué, doublé d'un agent immobilier, et de la fille d'un marchand de tissus, il est le représentant de cette nouvelle bourgeoisie montante. Toutefois, au contraire de son père, il n'aspire pas à une vie commerciale ; au contraire de son frère, Christopher, il n'ambitionne pas le barreau. Il veut se consacrer à la Muse. Être poète, mais pas n'importe quel poète : Milton rêve d'immortalité, il veut être l'Homère ou le Virgile anglais, il pense qu'il leur sera supérieur s'il réussit à écrire une grande épopée nationale chrétienne. Il passe sa jeunesse à l'école Saint Paul (1620-25), où il reçoit une éducation profondément humaniste. À la maison, des précepteurs privés – notamment le Presbytérien écossais Thomas Young – viennent renforcer ses connaissances linguistiques. En 1625, il s'inscrit à l'Université de Cambridge, où il devait rester jusqu'en 1632. C'est là que se produit un événement décisif dans sa vie : son père le destinait à la prêtrise anglicane, mais Milton se destinait à la littérature. Il n'a que 23 ans. Son père finit par céder : mieux, il accepte de subvenir aux besoins de son fils pendant qu'il poursuit ses études dans la propriété familiale. Milton a 23 ans : il se lamente, dans un poème fondateur, de ne rien avoir encore écrit : il est au pied de cette montagne littéraire qu'il s'est lui-même fixée. Pendant cinq années, Milton étudie, loin de l'Université. Il écrit ses premières œuvres littéraires : L'Allegro / Il Penseroso (la joie / la mélancolie), A Maske, divertissement aristocratique (1634), ainsi que plusieurs poèmes dits mineurs en latin ou en anglais. L'année 1637 est tragique : Milton perd un ami cher en la personne d'Edward Young, événement qu'il sublime dans l'écriture de Lycidas, élégie pastorale dans laquelle Milton, au détour d'une strophe, dénonce les évêques anglicans, en qui il voit autant de « Bouches aveugles. » La même année, sa mère, Sarah, meurt : Milton devait souligner sa vertu dans un passage autobiographique en 1654.