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L'« Esthétique » de Friedrich Schleiermacher (1768-1834) a été tenue par Dilthey pour « l'esthétique du romantisme » et saluée par Benedetto Croce pour avoir préparé « une orientation complètement différente » des esthétiques de Hegel et Schelling, qui la place dans la lignée de la « Poétique » d'Aristote, de la « Science nouvelle » de Vico et de la « Critique de la faculté de juger » de Kant. Pourtant, pour des raisons qui tiennent sans doute en partie au sort éditorial de ces leçons, la philosophie esthétique de Schleiermacher n'a pas encore rencontré l'écho que son acuité et sa modernité pouvaient lui apporter. Ayant participé à l'aventure du premier romantisme allemand, Schleiermacher suit une lignée critique en déplaçant la problématique de la « réflexion » sur les formes du beau et de l'élaboration d'un système des beaux arts au « faire » artistique dans son universalité anthropologique : l'art n'est pas d'abord affaire de jugement, mais se comprend, dans le processus de la production de l'oeuvre, comme une des possibilités fondamentales de l'activité humaine. Cette démarche évoque ainsi par endroits, plus que les esthétiques ou les philosophies de l'art qui lui sont contemporaines, la « philosophie des formes symboliques » d'Ernst Cassirer. L'art est pour Schleiermacher l'expression du sentiment individuel par le travail de l'imagination (« Fantasie »). Il est à la fois interprétation du monde et formation de la subjectivité. L'oeuvre est la mise en forme d'un sentiment. Réflexion et inspiration sont également impliquées en elle. Une telle esthétique transforme le concept de « génie », qui n'est plus cantonné à la spontanéité naturelle ni réservé à des esprits d'exception, puisque « tous les hommes sont des artistes ». Il y a donc bien une communauté esthétique qui se forme, mais dans un rapport de constante réciprocité, pour autant qu'apprécier l'oeuvre est participer de sa production, être actif. Par cet aspect, Schleiermacher reprend les motifs les plus féconds du premier romantisme. Le texte traduit est le manuscrit du cours d'esthétique de 1819 complété d'ajouts ultérieurs, de notes critiques et des discours académiques de 1831-1832 sur le concept de beau.