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De toutes les organisations catholiques, l'Association catholique de la jeunesse française, forte de ses mouvements spécialisés (JAC, JEC, JIC, JOC), s'impose à l'historien comme le principal lieu de formation à l'engagement des catholiques dans la société et la vie politique, au renouvellement desquelles elle participe. Ses anciens militants ou dirigeants se retrouvent aux origines du PDP, ils créent et animent Politique, puis se retrouvent nombreux à la tête du MRP avant qu'ils ne s'en détournent pour lui préférer le mendésisme, puis les clubs socialisants et, pour une part, contribuer à la rénovation du parti socialiste. On les retrouve encore parmi ceux qui font évoluer la CFTC vers la déconfessionnalisation ou qui transforment activement le monde agricole. L'ACJF prend aussi position sur les grandes questions qui agitent la vie démocratique. Elle milite vigoureusement contre le nationalisme de l'Action française et s'engage au côté d'Aristide Briand pour la Sécurité collective et la construction européenne dès les années 1930. Elle dénonce la menace nazie, défend les valeurs démocratiques héritées de la Révolution française, s'oppose assez vite, avec les autres mouvements de jeunesse, à la révolution nationale et à ses velléités fascisantes, et entre bientôt en dissidence, refusant publiquement le STO. Engagée dans la construction d'une Europe pacifiée après la Libération, elle trouve en Pierre Mendès France un accueil favorable à ses revendications en matière de politique de la jeunesse ; mais sa lucidité précoce sur les mutations de la société française et son engagement contre la guerre d'Algérie scellent sa chute. Elle mesure très tôt tout ce que l'engagement des catholiques en démocratie implique dans ses rapports avec l'autorité ecclésiastique. Elle pose avec force et précocité la question du statut et du rôle du laïc dans l'Église et sa spécificité par rapport au sacerdoce, en particulier dans sa vocation apostolique reconnue par la hiérarchie – ce laïc par ailleurs citoyen libre d'une société démocratique. Elle disparaît en 1956 d'avoir voulu répondre à cette question, et la crise qui l'emporte, si elle en annonce d'autres, est aussi l'un des ingrédients de celle dont l'Église n'est toujours pas sortie.