Prix public : 34,00 €
On ne retient habituellement des guerres que les événements les plus spectaculaires, et l'on oppose volontiers les civils aux combattants, dont l'incompréhension réciproque est, il est vrai, l'une des constantes des conflits prolongés. Pourtant, la Grande Guerre changea aussi les mentalités de l'arrière. On devait improviser une vie nouvelle, entièrement consacrée à l'effort nécessaire pour nourrir, ravitailler en munitions et en renforts les combattants. Ceux-ci ne pouvaient tenir que par la concentration et l'organisation de tout un pays. Il fallait assurer la distribution de tabac des poilus, même si l'arrière fumait moins, acheminer vers les tranchées des milliers de têtes de bétail, installer des boulangeries géantes d'où sortaient les "boules" du soldat, distribuer le courrier aux armées, mettre les mercantis hors d'état de nuire, encourager les efforts bénévoles pour les soins aux blessés. Les civils aussi étaient mobilisés : les femmes les premières, qui prenaient le chemin des usines, devenaient aides agricoles ou contrôleuses de métro. Parfois, les travailleuses se mettaient en grève, demandant le même salaire que les hommes en bouleversant les habitudes des syndicats. La guerre n'épargnait pas les écoles où les enfants étaient engagés par des maîtres chenus dans la récolte des plantes sauvages ou des pièces d'or des grands-pères (à livrer aux emprunts patriotiques). La vie du pays en guerre s'exprime par les témoignages réunis dans ce livre, qui s'efforce de mesurer Ies changements de mentalité annonciateurs des années vingt. En effet, les quatre années de la Grande Guerre ont été pour les pays belligérants une épreuve telle que le XXè siècle a fait une entrée rapide et fracassante dans les sociétés européennes, bousculant les habitudes et les certitudes d'un autre temps. Aussi n'est-il pas inutile de suivre de près les étapes de ce changement décisif, en retournant sur le terrain, c'est-à-dire aux témoignages qui seuls peuvent donner à l'histoire les couleurs de la vie.