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L'Ecole normale supérieure a traversé deux siècles, deux empires, deux monarchies, cinq républiques. Quel est son passé récent? Son présent? A-t-elle encore un avenir? Aucun " lieu de mémoire " de l'intelligence française n'a sans doute suscité autant de littérature. Les romans, Mémoires, essais qui décrivent les moeurs de la tribu normalienne restaient dispersés. Il fallait les rassembler en florilège: ce fut l'objectif du premier Rue d'Ulm, composé en 1946. Que de changements, depuis lors! Entre-temps, appartenir à une élite était devenu un péché capital, dont on ne pouvait obtenir l'absolution qu'en se reniant. Qui rêverait d'entrer dans une institution dont les membres pratiquent l'auto-flagellation? L'Ecole a connu une longue éclipse. Il semble qu'en cette année de son bicentenaire, elle reprenne confiance en elle-même. Destinée à recruter des professeurs ou des chercheurs, elle continue à déboucher aussi sur la finance, le journalisme, l'industrie, la diplomatie ou la politique, le théâtre ou l'épiscopat... Les " archicubes " forment une pyramide à l'envers. Leur proportion parmi les licenciés est de plus en plus insignifiante; parmi les agrégés, beaucoup plus importante; parmi les énarques ou les docteurs, davantage encore. Ils détiennent le cinquième des fauteuils à l'Académie française, le quart à l'Académie des sciences morales et politiques, le tiers à l'Académie des sciences, les deux tiers à l'Académie des inscriptions et belles lettres, la moitié des chaires au Collège de France; sans compter le tiers des " prix Nobel " et les quatre cinquièmes des " Médailles Fields " vivants. On verra que les langues se sont déliées. Des zones d'ombre se sont éclairées: l'Ecole scientifique, quasi absente des précédentes éditions de l'ouvrage; la guerre, l'Occupation et la Résistance; le déferlement de la vague communiste après la Libération; le maoïsme et le gauchisme, les anathèmes, les abjurations; les mutations, les nouvelles carrières, l'ouverture au monde de l'entreprise; l'Ecole des femmes et la fusion avec Sèvres. Cette édition, où plus de la moitié des pages sont nouvelles, révélera au grand public, sous des signatures prestigieuses, la vie privée d'une grande école française, sans doute à la fois la plus illustre et la plus méconnue.