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Marianne ne se serait-elle pas montrée ingrate envers ses filles en leur refusant une intégration qu'elles souhaitaient ardemment? Les féministes de la IIIe République réclamaient déjà l'égalité des sexes, et leur histoire-bataille, trop méconnue, méritait un récit. Parmi elles, bien des personnalités attachantes ou surprenantes. Adrienne de Sainte-Croix, en lutte contre la prostitution réglementée, Cécile Brunschwicg, sous-secrétaire d'Etat en 1936, Louise Weiss qui médiatise la campagne suffragiste, Madeleine Pelletier, l'audacieuse théoricienne de la virilisation des femmes, Hélène Brion, l'institutrice pacifiste, et beaucoup d'autres encore: autant de façons d'être féministe qui traduisent aussi des convictions politiques. Leurs revendications sont inexorablement retardées par la Grande Guerre, puis, dans les années trente, par la crise économique et la montée des périls extérieurs. Qu'il s'agisse de la vie privée, de la vie publique ou du travail, leur désir de s'émanciper suscite sans cesse la crainte de l'indifférenciation sexuelle. Face à une République qui leur résiste, les féministes se montrent dignes de la citoyenneté, mais leur civisme ne sera récompensé qu'en 1944. A travers leurs plaidoyers ou leurs correspondances se lisent les espoirs d'une génération de pionnières. Christine Bard, née en 1965, docteur en Histoire, enseigne à l'université d'Orléans. Elle a publié plusieurs articles sur le syndicalisme et le féminisme et a dirigé le colloque Madeleine Pelletier (université de Paris-VII, 1991) publié chez Côté-femmes, 1992.