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Printemps 1918. Sous la poussée inexorable de Ludendorff et de ses généraux, les Alliés débordés reculent. Le mont Kemmel, le Chemin des Dames et le mont Renaud, trois glorieux symboles de victoires françaises, tombent un a un. Pétain le taciturne et Foch l'impetueux ne parviennent plus à s'entendre. Le premier redoute une offensive contre Paris, le second sur les villes de Picardie. Et chacun de garder jalousement pour soi les forces dont il dispose... Dans les tranchées, les régiments doivent tenir vaille que vaille, à rude épreuve en dépit des renforts arrivés enfin d'outre-atlantique- Noirs de Harlem ou paysans du nouveau Brunswick, passés les uns du saxophone à la baïonnette, les autres de la charrue à la mitrailleuse. Le front craque de partout et la capitale, soumise aux frappes apocalyptiques de la grosse Bertha, perd sa proverbiale insouciance. Si la Parisienne fait les yeux doux aux Américains, elle n'en apprend pas moins à se retrousser les manches, elle est ouvrière ou factrice, elle s'émancipe et fait des études avec l'intention de continuer à travailler quand les hommes reviendront. Mais pour l'heure, l'ennemi approche et les réfugiés affluent du nord de la Marne. Là-bas, bravant la fureur des tirs et les nappes de gaz moutarde, l'officier de cavalerie Dupuy espère retrouver son épouse, Mary, l'infatigable infirmière en mission le long du front. Jules, l'héroïque caporal, pense à sa jolie Gaby employée dans une fabrique de chocolat. Pourvu qu'elle soit fidèle Nul besoin d'être à Paris pour deviner que les jeunes filles ne seront plus jamais les mêmes, que les m½urs ont changé. En attendant ce sont elles, leur beauté, leur amour, leurs lettres tant espérées qui donnent aux poilus hébétés le courage de faire face à la monstrueuse machine de mort du Kaiser. Chez Pierre Miquel, le romancier et l'historien retracent d'une même voix cette agonie mêlée de la guerre et des hommes, quand le pays n'était plus que villes terrorisées, campagnes exténuées, épave debout par la grâce d'une piétaille cosmopolite aux drapeaux en loques : Bretons ou Francs-comtois, mais aussi gamins du Grand Ouest, tous soldats de la dernière chance arrachés à leurs points cardinaux pour venir patauger sous des ciels de fin du monde en Europe, en France, en enfer.