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Comment le rêve d’un peuple, la création d’un État juif, est devenu le cauchemar d’un autre? Arno J. Mayer tente ici de dénouer les fils de cet imbroglio judéo-palestinien, en retraçant, avec brio et clarté, la chronologie du mouvement sioniste, de ses origines à nos jours. Son apparition à «l’âge d’or» de l’impérialisme colonial européen, la déclaration Balfour de 1917 et l’établissement d’un mandat binational, sans égard pour les Palestiniens qui cultivaient cette terre, la partition et l’indépendance de 1948, la place d’Israël dans le monde pendant la guerre froide, l’importance stratégique et économique grandissante du Proche-Orient, la construction du Mur de séparation: tous ces événements sont rappelés, replacés dans leur contexte mondial et critiqués. L’auteur revient ainsi sur l’idéal messianique de ces éminents sionistes que furent Theodor Herzl, Vladimir Jabotinsky et Chaïm Weizmann, ainsi que des critiques intérieurs comme Ahad Haam, Martin Buber et Judah Magnes qui, dès cette époque, mirent en garde contre les risques explosifs de la «question arabe», en vain; les germes de la rancœur et de la résistance arabes face à l’essor de l’immigration juive et au déplacement des frontières étaient semés, provoquant la première Intifada en 1929, prélude à une guerre sans fin. Mayer ne perd jamais de vue le désir parallèle d’autodétermination des Arabes de Palestine, né en même temps que le rêve sioniste, mais balayé par le sentiment de culpabilité du monde occidental au lendemain de la Shoah et par la décision de l’expier collectivement par la création de l’État juif. Finalement, l’appel de Jabotinsky à l’érection d’un «mur de fer», c’est-à-dire à l’emploi de la force militaire contre les Arabes, a été pris au pied de la lettre par un grand nombre d’hommes politiques israéliens, de Ben Gourion à Sharon, tarissant toutes les réserves d’innocence et de légitimité dont pouvait se targuer Israël. Assiégé par des voisins arabes impossibles à contenir, submergé par la violence, l’État militaire actuel, soutenu surtout par les États-Unis, paie très cher sa démesure. Arno J. Mayer, né au Luxembourg, est professeur d’histoire à Princeton. Il s’est fait connaître en France avec plusieurs ouvrages majeurs, dont Les Furies (Fayard, 2002), La Solution finale dans l’histoire (La Découverte, 1990) et La Persistance de l’Ancien Régime (Flammarion, 1983). Traduit de l’anglais (États-Unis) par Odile Demange.