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« Toute ma vie, il y a eu un décalage horaire entre papa et nous. Mon père était « primeur ». » Marchand de fruits et légumes aux Halles de Quimper, le père se lève à l’aube et réveille tout le quartier avec sa 2CV camionnette. Il n’a pas vraiment la fibre commerçante mais a repris le commerce du grand-père, Antonio, arrivé de Majorque en 1936, et qui a fait fortune avec la soupe catalane et les agrumes. En 1976 la tragédie arrive avec l’incendie des Halles, la faillite. Finies les vacances aux Baléares, le bonheur familial, les longues études pour le fils en plein émoi adolescent, qui ne voit plus que triste mine, huissiers et frustration… Entre nostalgie et dérision, le portrait doux amer des gens ordinaires qui ont trimé toute leur vie pour voir leurs rêves ruinés. Partis de rien, revenus à rien, pourrait-on dire d’eux. Anthony Palou sait très bien exprimer la fin des illusions et l’apprentissage de la mélancolie. Le rythme court, le ton détaché et lucide, les phrases péremptoires traduisent la pudeur du déclassé, la tragédie ordinaire, la tendresse pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’en sortir.