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J'ai de bonnes relations avec M. de Voltaire. - Écoute, petit, me dit-il un jour familièrement. Tu viens de lire le journal. Tu y as absorbé ta ration quotidienne de massacres, prises d'otages, lynchages et autres internements arbitraires en maisons de fous ; bref, l'ordinaire d'une journée de paix entre d'autres. Ça te reste sur le coeur ; ça te rend morose. Il ne faut pas. Il faut toujours garder le coeur à rire, surtout quand on l'aurait plutôt à pleurer. Le cynisme aujourd'hui est roi. Il a ouvert les vannes à tous les débordements ; d'où ce Niagara d'atrocités, d'immondices et de sottises qui nous dégringole sur le crâne. Tu veux réagir ? Alors, choisis bien ton arme : souris, aiguise rien qu'un soupçon de cette ironie faussement détachée avec laquelle j'ai discrédité jadis la guerre ou le fanatisme, et le cynisme commencera à se décomposer. D'accord ? Je t'envoie mon fils. Suis-le. Je l'ai suivi. C'était un bon et brave jeune homme, toujours dans le vent, dans tous les vents successifs, toujours de bonne volonté, toujours docile aux enseignements, mais toujours aussi, grâce à son sens de la mesure et de l'humain, retenu au bord des outrances impardonnables. En somme : candide. Ensemble, nous sommes allés à la Grande Manif ; nous avons excursionné dans l'écologie et dans l'érotisme ; nous avons tâté de la vie communautaire, plongé dans la clandestinité, rasé le terrorisme. De bons compagnons nous escortaient, Téo le copain, le vieux professeur Ozone, la petite Bérengère qui est si mignonne, et le gendarme Sébastien Loreillon du Pigoulet, et Fred « le nouveau Kierkegaard », d'autres encore... Au terme du voyage, une chose au moins est acquise : je me suis, moi, bien amusé ; j'ai retrouvé, moi, le coeur à rire. Je vous souhaite la pareille. Je vous en souhaite même une meilleure : de vous instruire en vous amusant. Après tout, l'histoire la plus apparemment futile ne propose-t-elle pas sa petite leçon de morale ? R. I.