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L’esprit de plaisir, qui s’épanouit au Japon durant l’époque Edo (1603-1867), fut marqué par un raffinement dont témoignent l’inventivité des estampes érotiques, le jeu de la séduction élevé en art par les geishas et le mélange des genres au sein du truculent théâtre kabuki. Cet art hédoniste de l’existence, qui encourageait la dimension ludique dans les relations charnelles, fut banni à l’ère Meiji (1868-1912), qui corseta le désir, brida l’imaginaire érotique et condamna l’amour entre garçons, si prisé des samouraïs, afin de se conformer à l’ordre bourgeois et de paraître ainsi civilisé aux yeux de l’étranger. L’archipel subit alors un choc intense et soudain entre une culture déculpabilisée du désir charnel, qui avait nourri un art érotique parmi les plus élaborés au monde, et une science sexuelle importée d’Occident avec ses interdits et ses tabous. Ce goût pour les plaisirs devait renaître au lendemain de la Première Guerre mondiale avec la culture de masse des « années folles », dont les modern girls émancipées furent l’étendard, puis la fureur de vivre désespérée dans les décombres de la défaite, avant d’être récupéré par une prolifique industrie érotico-pornographique. Correspondant du journal Le Monde à Tokyo, Philippe Pons est notamment l’auteur D’Edo à Tokyo (1988), de Misère et crime au Japon (1999) et de Le corps tatoué au Japon (2018). Professeur honoraire à l'université de Genève, Pierre-François Souyri a entre autres écrit Moderne sans être occidental. Aux origines du Japon aujourd'hui (2016), récompensé par plusieurs prix, et la Nouvelle histoire du Japon (2010).