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Voici une expérience singulière : à quatorze ans, vouloir changer le monde. À quatorze ans, se mouiller pour ses idées, monter à l’assaut du ciel, endurer l’angoisse du militant. À entendre certains « soixante-huitards » revenus de tout, et qui prétendent avoir été les ultimes représentants de la jeunesse révolutionnaire, cette expérience serait désormais impensable : « Après nous, le désert politique », affirment-ils… À mille lieux de cette nostalgie stérile, Jean Birnbaum a voulu savoir comment l’espérance révolutionnaire se transmet entre les générations. Et si cette « enquête en filiation » est menée au miroir du mouvement trotskiste, c’est que ce courant singulier a maintenu vivante, tout au long du XXe siècle, une tradition minoritaire mais opiniâtre d’émancipation. En France plus qu’ailleurs, les traits spécifiques de cette tradition (l’écoute des aînés, la passion des textes…) en ont fait l’une des plus grandes écoles politiques et intellectuelles. Entre la génération des années 1930, isolée, pourchassée, affrontant à la fois le stalinisme et le fascisme, et celle des années 1960, solidaire des peuples colonisés, la continuité fut tant bien que mal assurée. De cette mémoire fraternelle, entre révolte et mélancolie, que reste-t-il maintenant ? Des jeunesses de jadis et d’hier à celles d’aujourd’hui, inventant, avec l’« altermondialisme », de nouvelles radicalités sans frontières, quelles sont les filiations ? À partir d’entretiens approfondis avec des militants, actuels ou anciens, célèbres ou inconnus, Jean Birnbaum restitue avec force des figures et des destins hors du commun, mais repère aussi la trace des déceptions et des déchirures intimes : sur la question juive, par exemple, ou encore sur les dérives sectaires. Au fil de ce parcours critique et au cœur de ces propos, n’en vibre pas moins l’exigence qui anime toute « génération » digne de ce nom : celle d’une justice à venir, par-delà le monde présent.