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« Tu me croiras si tu veux, mais j’ai oublié en quelle année tu es morte. Je pourrais bien sûr retrouver la date exacte, dans des papiers ou quelque ancien agenda, ou procéder à des recoupements. À quoi bon ? Je ne suis pas sûr d’avoir même conservé ton acte de décès, l’unique preuve officielle de ton existence. Je n’ai pas envie, je redoute même de projeter toute la lumière sur ton passé, ta famille, ta naissance. Pas le temps, et peur d’autres découvertes sordides que je pourrais exhumer. Aujourd’hui, je peux t’écrire, comme s’il m’avait fallu attendre d’avoir la maturité et le recul nécessaires. » En s’adressant à sa mère disparue, le narrateur renoue les fils de sa vie, dévoile ce qu’il a tu depuis trop longtemps. Ainsi cherche-t-il à comprendre une femme insaisissable dont il ignore le passé et le vrai nom, et surtout à expliquer pourquoi elle l’a si mal aimé. Pour lui, la présence de cette mère fut synonyme de désordre, de crises, de mauvais souvenirs, et même de disparition soudaine. C’est auprès de son père et de ses grands-parents qu’il trouva un équilibre, une vie plus paisible, tournée vers les études et la lecture. Toutefois il grandit avec le sentiment de n’être pas un enfant comme les autres. Par la suite, il réussit à s’accommoder de cette femme capricieuse, mais aussi attachante, à qui il ne put jamais parler à cœur ouvert, puisqu’elle esquiva sans cesse toutes ses questions.