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Le Trésor des humbles, paru en 1896, marque la fin de la période héroïque du symbolisme, dix ans après le « Manifeste » de la nouvelle école ; c’est l’année de la mort de Verlaine. Cette année marque aussi une rupture dans l’œuvre de Maeterlinck. Après le radicalisme de ses premiers drames qu’il qualifiait de « théâtre statique », il abandonne l’avant-garde et se consacre à une œuvre plus accessible. Ce n’est plus le poète décadent de Serres chaudes (1889) ni le dramaturge de l’inquiétude et de la mort qui provoquait la sortie en pleine représentation d’un public terrifié, mais un mystique sans religion, un dilettante de l’occulte qui s’essaie à un genre, l’essai, où il peut manier les idées que le théâtre et la poésie lui avaient jusqu’ici défendues. Ces grands sujets, Maeterlinck les aborde en écrivain. S’il parle des religions, c’est pour montrer qu’elles tendent toutes vers un même but. S’il parle de philosophie, c’est pour la ramener à quelques principes fondamentaux. Il est hanté par la suggestion, le non-dit, l’occulte. Maeterlinck est belge, et, toute sa vie, il a entretenu des rapports tendus avec la culture et la langue françaises. Né à Gand en 1862, il entame une carrière de juriste, plaidant en français (à l’époque, langue officielle du système légal) pour les Flamands qui ne le parlaient pas. Très tôt, il commence à écrire des contes et des poèmes où il essaie de fusionner la saveur flamande et la langue française. Dans son essai sur Novalis, il cherche à faire valoir quelque chose d’étranger à la pensée française : la tradition « germanique ». Ce n’est pas une tradition de clarté intellectuelle, de logique, et elle ne s’exprime pas en un langage limpide et transparent. Maeterlinck souhaite même aller à rebours du « génie de la langue française », et dans son essai sur Ruysbroeck il glorifie les outrances verbales du flamand, ses pensées fiévreuses, sa « syntaxe tétanique ». Ce que Maeterlinck prise surtout chez ses auteurs préférés, comme encore Shakespeare, c’est ce qu’on pourrait nommer leur obscurité lumineuse. Pourtant, sa prose est régulière, classique, équilibrée. Paul Léautaud disait qu’il était le seul des symbolistes belges à savoir bien écrire en français. C’est même tout simplement, un grand écrivain.