Prix public : 19,90 €
Assise sur le canapé vert qu'elle affectionne, dans le salon paisible de la pension helvétique où elle passe l'été, Marguerite Droz songe à son existence. Du passé surgit son enfance avant la guerre, à Neuchâtel, entre un père calviniste, cabinotier de pendules, et une mère catholique et française, que l'amour a transplantée dans le Jura suisse, non sans malentendus ni homériques disputes, qui ont marqué la petite fille qu'elle était. Bien avant de se marier, par deux fois - avec Dietrich, ingénieur d'origine alémanique, qui mourra dans un accident d'avion, puis avec Julien, gros fermier sarthois, tué d'une balle perdue à la chasse - Marguerite a connu le bonheur des vacances en France à la campagne, chez ses grands-parents maternels, dans les années 30. Sont venus les amours adolescentes, une passion romantique et l'éveil aux idées, au monde, d'une jeune fille qui, toute la guerre, s'est sentie comme prisonnière, comme assiégée dans son îlot neutre, au coeur d'une Europe à feu et à sang. A présent qu'elle est de retour en Suisse, à la mi-temps d'une vie pleine, Marguerite Droz poursuit sa quête des autres et d'elle-même. Retrouvant avec patience les traces du passé, comme pour s'en débarrasser une bonne fois, elle est peut-être en train d'apprendre ce qu'on appelle le détachement...à la clarté du mysticisme dont témoignent le prédicant anabaptiste Isaac Sprunger et sa femme qui tiennent la pension. Ce portrait tout en nuances, divers, nourri de vérité, rejoint en profondeur la grande tradition du récit, sans jamais lui sacrifier ce style chaleureux, ni cette fraîche vision des êtres, des paysages, des choses, qui ont fait de Catherine Paysan, depuis Nous autres, les Sanchez et les Feux de la Chandeleur, l'une des plus justes, l'une des plus authentiques romancières d'aujourd'hui.