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Cet essai interroge les conditions de l'amour de soi-même dans un temps où le goût du néant et de la destruction fait rage : comment s'aimer afin d'aimer et d'être aimé ? Comment aimer l'étranger en soi-même plutôt que de le haïr ou de se haïr ? Il prend appui, pour cela, sur l'histoire et l'oeuvre de quelques écrivains du siècle dernier, bien peu en accord avec leurs contemporains, rebelles à toute classification : leur originalité repose sur un style d'écriture qui n'appartient à aucun genre littéraire spécifique. Ecrivant à partir d'un éloignement volontaire avec leur terre natale ou leur milieu d'origine, comment ces infidèles qu'ont choisi d'être Thomas Edward Lawrence, alias Lawrence d'Arabie, Louis Massignon l'orientaliste islamo-chrétien, Victor Segalen l'exote sinisé et Simone Weil la mystique athée, eux qui tous ont partie liée avec l'exil, l'excès et le religieux -, ont-ils déjoué les destins qui les attendaient ? Comment ont-il fécondé leur langue maternelle par l'apport d'autres langues et noué leur vie à la rencontre de l'étranger, dans la diversité de situations marquées par l'ombre des guerres et des génocides du XXe siècle ? Tous ont développé, « en un temps de détresse », des stratégies amoureuses de soi et de l'autre en devenant infidèles à l'avenir assigné par la filiation et les conventions sociales, et en refusant de sacrifier autrui à leurs intérêts personnels ou nationaux. Tous ont cherché à construire leur destinée, grâce à la rencontre d'une autre culture que la leur, chacun convergeant ainsi vers le secret de lui-même. Si l'infidélité de l'esprit est leur caractéristiques commune, chacun a décliné la rupture et la joie qu'elle implique dans sa chair et dans sa psyché. « L'infidèle, écrit Jean-Michel Hirt, est cet homme de désir à la recherche d'une dimension en lui-même que seule la rencontre de l'hôte étranger lui révèle. »