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« En littérature, je me suis successivement épris de Rimbaud, de Jarry, d'Apollinaire, de Nouveau, de Lautréamont, mais c'est à Jacques Vaché que je dois le plus », écrit André Breton en 1924. Vingt-cinq ans plus tard, Breton confie à la soeur de celui qui le hante toujours : « Votre frère est au monde l'homme que j'ai le plus aimé et qui, sans doute, a exercé la plus grande et la plus définitive influence sur moi. » Vaché n'a pourtant rien écrit d'autres qu'une poignée de lettres à André Breton, Théodore Fraenkel et Louis Aragon... Quelques mois passés ensemble à Nantes, quelques rencontres furtives à Paris, une dizaine de lettres révolutionnaires envoyées entre 1915 et 1918 par le soldat-interprète Vaché auront suffi à changer le cours de la vie artistique et personnelle du fondateur du surréalisme. La mort de Jacques Vaché, le 6 janvier 1919, à l'âge de 23 ans, des suites d'une surdose d'opium, va provoquer un véritable « trauma affectif » chez Breton. Je me suis attaché, dans cet essai, à reconstituer la personnalité de Jacques Vaché, prise jusqu'ici dans une légende obscure et fantasmatique, mais également à analyser son influence, magnétique, sur André Breton : celle d'un jeune dandy nantais, jeté dans les tranchées d'une guerre terrifiante, qui incarna la quintessence de l'esprit poétique et humoristique. Pour André Breton comme pour moi, les lettres de Jacques Vaché, iconoclastes, pleines d'« umour » (sans h), contiennent tous les « manifestes », et « la vertu de ces quelques pages n'est pas près de s'épuiser. » Elles ont été publiées pour la première fois en 1919 sous le titre Lettres de guerre : la bataille du surréalisme était lancée. Bertrand Lacarelle