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La scolastique a mauvaise réputation. C'est pourtant dans l'université médiévale et en particulier à la faculté de théologie de Paris, au XIIIe siècle, que se forgèrent et s'échangèrent les opinions savantes sur des questions d'actualité fort concrètes, qui intéressaient la société dans son ensemble, marges comprises: les mérites des docteurs, l'obligation de la dîme, le vœu de religion, le devoir conjugal, le profit commercial, la fiscalité royale, la législation contre l'usure, le baptême forcé des enfants juifs, la légitime défense en cas de viol ou la fuite du condamné à mort étaient débattus dans le cadre de disputes « extraordinaires », publiques et facultatives, appelées Quodlibets. Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, certains maîtres s'adonnèrent plus que d'autres à cet exercice difficile. C'est le cas de Thomas d'Aquin, de son contemporain (et adversaire) Gérard d'Abbeville, d'Henri de Gand et de Godefroid de Fontaines. L'ampleur et la diversité des questions suggèrent la compétence des maîtres à critiquer, à proposer, voire à juger en tous domaines; leurs emprunts multiples aux sources et aux modes de résolutions juridiques, combinés au dénigrement des juristes, confirment cette prétention à exercer une véritable « juridiction intellectuelle » sur la société. À partir de l'analyse des débats scolastiques, l'auteur montre comment les maîtres ont construit leur statut d'autorité et l'idée de leur propre nécessité sociale. Savoir et pouvoir s'articulent ici dans la pratique même de l'activité intellectuelle. Ancienne élève de l'ENS de Fontenay-Saint-Cloud, Elsa Marmursztejn est maître de conférences en histoire du Moyen Âge à l'université de Reims.