Prix public : 23,50 €
Les manuscrits se consument moins que leurs lecteurs. Et ici, je veux parler de l’éclat lumineux des manuscrits et de l’obscurité qui les menace toujours et dire ma passion des manuscrits, ou plutôt de l’activité manuscrite.<br />J’aime l’unicité fragile des manuscrits, sans leur vouer l’adoration ou la convoitise suscitées par des trésors, que j’évoque d’abord avant de livrer mon expérience des rapports incommodes entre les institutions détentrices, les lecteurs et les scribes. La suite, sur mes péripéties de déchiffreur, s’intitule « la peau des<br />scribes » : à partir du matériau d’écriture, le cuir des moutons, je veux me mettre dans la peau des scribes face à leurs détracteurs, ceux qui veulent « avoir leur peau ».<br />Mais entre les scribes et moi, s’interpose l’institution d’une discipline qui s’est voulue « scientifique », avec une exigence de généalogie qui se fondait sur une recherche en paternité, bien vaine pour les textes médiévaux où les traces de l’auteur s’effacent au profit de celles des scribes, malgré d’illustres exceptions. Même en se libérant de ces carcans, le lecteur n’accède pas facilement aux textes des manuscrits : l’objet qui les porte, matériel, subit les aléas et infortunes des choses et les inadvertances des hommes qui en gèrent la fabrication. J’en viens alors à mes frères, les scribes eux-mêmes, quand je traite des marges du manuscrit comme lieu d’organisation du texte par les scribes, avant de présenter leur intervention directe et inventive dans le texte.<br />Ce livre raconte une rencontre heureuse. Ce livre libère avec délicatesse la parole des manuscrits médiévaux, sous la plume d’un de leurs plus fidèles défenseurs, Alain Boureau. Il s'agit moins ici d'épistémologie que de transmission d'expériences face aux pièges tendus par les bibliothèques, les méthodes d'analyse génétique, les réparations du matériau ou les scribes interventionnistes. En guettant la main du scribe, c'est à un corps-à-corps amical avec le passé qu'invite Alain Boureau. Contre les collègues qui s'érigent en gardiens d'une signification définitive, contre les conservateurs de bibliothèques qui refusent parfois de communiquer les manuscrits ou les éditeurs de textes qui repoussent sans cesse la parution de travaux dont ils fantasment l'absence de défaut, l'historien appelle à une rébellion savante mais irrévérencieuse, celle qui consiste à reconnaître dans ces scribes nos semblables, nos frères.