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La rupture entre Freud et Jung est généralement attribuée à leur désaccord concernant l'importance jouée par la sexualité dans les affections psychiques et les productions culturelles. Quelle que soit la pertinence d'une telle interprétation aux enjeux manifestement fondamentaux pour la théorie freudienne, elle est loin de constituer le paradigme essentiel qui a conduit à leur rupture. Jacquy Chemouni montre dans cette étude que l'impossible accord entre le maître de Vienne et l'élève de Zurich réside dans le rôle que chacun alloue à la mythologie. Sans que les protagonistes en aient eu clairement conscience, la conception jungienne de la mythologie vient non seulement subvertir les acquis théoriques de la psychanalyse mais, plus fondamentalement, ébranle la démarche clinique freudienne et devient un outil incontournable dans le travail thérapeutique. Loin de cantonner le mythe à un objet scientifique, une sorte de lettre morte laissée au compte du mythologue, Jung l'appréhende, initialement grâce à l'apport de la psychanalyse, comme une réalité vivante encore susceptible de marquer les esprits et de façonner la psyché. Jung est soucieux de ne pas « démythologiser » la psyché et ses analyses n'ont pas pour finalité d'abolir les croyances au mythe mais d'en assurer la survivance. Freud, plus rationaliste, pense à l'inverse qu'il faut extraire l'homme des croyances mythiques. Les travaux sur les pathologies psychotiques menés par les plus brillants élèves de Jung, principalement Johann Jacob Honegger, Jan Nelken et Sabina Spielrein, vont confirmer la conviction du fondateur de la psychologie analytique que la psyché de ses contemporains est nourrie de mythes ancestraux dont ils n'ont jamais eu connaissance de quelque manière que ce soit. Se dessine alors un nouveau paradigme qui rendra la psychanalyse freudienne et la psychologie analytique radicalement étrangères l'une à l'autre.