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Le nom de Jean Cavaillès évoque pour les uns le héros de la Résistance, le combattant intrépide fusillé à 40 ans par les Allemands, pour les autres le philosophe brillant qui a proposé une conception neuve de la pensée logique. Cet homme ne fait pourtant qu'un, l'unité de la pensée abstraite et de l'action concrète s'arrimant chez lui dans une même disposition éthique, disposition à prendre des risques, à vivre le risque - théorique ou pratique - comme la solution exigée par un problème rationnellement posé. Or ce chemin qui va de la position d'un problème théorique à l'invention de sa solution, le philosophe Cavaillès se demande s'il est nécessaire ou contingent. L'apparition de la théorie des ensembles de Cantor par exemple est-elle le fruit nécessaire du développement de la mathématique ou bien un événement contingent qui aurait non seulement pu ne pas se produire mais se produire selon une autre modalité? Mais si plusieurs mathématiques différentes peuvent coexister, n'est-ce pas le modèle le plus rigoureux du savoir qui perd d'un coup son unité et sa nécessité? Le problème de Cavaillès est de trouver comment d'un univers ancien peut sortir un nouvel univers, comment on peut allier la continuité de la démarche rationnelle et la rupture des concepts. Ce sont les voies utilisées par Cavaillès pour résoudre cette question que le livre d'Hourya Benis Sinaceur dégage avec une grande clarté. Loin de perdre le lecteur profane dans des considérations mathématiques et logiques qui le dépasseraient, l'auteur s'emploie à cerner l'originalité de la pensée philosophique de Cavaillès, en montrant comment il fait jouer les unes contre les autres les sources philosophiques auxquelles il puise pour construire une histoire du sens absolument singulière, irréductible à l'une ou l'autre des philosophies qui l'alimentent pourtant. Entre Frege et Bolzano du côté d'une conception objectiviste des idées, et Hegel et Husserl du côté d'une logique subjectiviste, c'est-à-dire de la conscience, Cavaillès tisse une « voie moyenne »: une dialectique matérielle (du contenu) sans sujet. L'auteur Ancienne élève de l'École Normale Supérieure et docteur d'État ès Lettres, Hourya Benis Sinaceur est directrice de recherche émérite au Centre National de la Recherche Scientifique. Membre du comité national d'histoire et philosophie des sciences de l'Académie internationale d'histoire des sciences, elle dirige aujourd'hui une collection d'histoire et de philosophie des sciences chez Vrin. Elle est l'auteur de: - Corps et Modèles, Paris, Vrin, Collection Mathesis, 1991, 2e édition 1999. - Le labyrinthe du continu (co-édition avec SALANSKIS J.-M.), Springer-Verlag France, 1992. - Les paradoxes de l'infini, édition française, avec notes et introduction, de BOLZANO Bernard, Die Paradoxien des Unendlichen, Paris, Le Seuil, 1993. - Jean Cavaillès, Philosophie mathématique, Paris, PUF, 1994. - La création des nombres, édition française de DEDEKIND Richard, avec notes et introductions, Paris, Vrin, Collection Mathesis, 2008.