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Michel AUCOUTURIER, Le premier centenaire (Gogol entre académisme et symbolisme), RLC LXXXVI, n° 3, juillet-septembre 2009, p. 265-282. Le premier centenaire de la naissance de Gogol, en avril 1909, marque un jalon dans l'interprétation de son œuvre: à la célébration officielle de l'université de Moscou, qui consacre l'image traditionnelle d'un Gogol réaliste, père de la littérature russe du XIXe siècle, répond la publication d'un numéro spécial de la grande revue symboliste La Balance (Vesy), qui lui oppose le maître du fantastique, du grotesque et de la caricature, le martyr de la foi et le virtuose de l'écriture. Iryna DMYTRYCHYN, Voyage dans l'Ukraine de Gogol, RLC LXXXVI, n° 3, juillet-septembre 2009, p. 283-294. Le rôle de Gogol dans la littérature et l'histoire russes est bien connu. Sa signification pour l'Ukraine l'est en revanche moins. Né en Ukraine mais embrassant une carrière au sein de l'Empire, cet homme de génie ne semblait avoir de place dans l'Ukraine qu'il semble avoir quittée à jamais. Rejeté par les uns et érigé en exemple d'intégration par les autres, la place de Gogol a en effet évolué au cours du processus de formation de la conscience nationale ukrainienne. L'étude s'attache à passer en revue les étapes de ce processus, en passant des racines de l'Ukraine de Gogol à travers les témoignages de contemporains jusqu'aux dernières études qui démontrent, à l'étonnement de certains que Gogol l'Ukrainien a grandement conditionné Gogol le Russe. Olga CAMEL, Nicolas Gogol, homme de théâtre: entre l'Ukraine et la Russie, RLC LXXXVI, n° 3, juillet-septembre 2009, p. 295-308. De tous les écrivains russes, Gogol a été certainement le plus homme de théâtre: dramaturge, lecteur inimitable de ses propres œuvres et théoricien. Dès le plus jeune âge, il a participé à deux courants théâtraux, littéraire et populaire. C'est son père qui lui a légué sa passion d'amateur et d'auteur de comédies humoristiques et, dès le lycée, il monta des spectacles. Son œuvre dramatique comporte trois comédies achevées: le Révizor, Hyménée et Les Joueurs. Avec Le Révizor, il a doté la scène russe de sa première œuvre véritablement nationale. Mais la présente étude rappelle aussi un fait négligé par la critique. Attiré par l'histoire, notamment celle de l'Ukraine, son pays natal, Gogol a écrit un drame héroïque intitulé, La Moustache rasée, sur les mœurs des cosaques zaporogues; il en a certes brûlé le manuscrit, mais il en a repris le thème dans sa nouvelle rédaction de Taras Boulba. Déborah LÉVY-BERTHERAT, Le vertige du détail dans les récits péters-bourgeois de Gogol, RLC LXXXVI, n° 3, juillet-septembre 2009, p. 309-328. L'attention portée par Gogol, dans les récits pétersbourgeois, aux détails les plus infimes, relève d'une tradition satirique qui remonte, par le biais de Xavier de Maistre et de Töpffer, jusqu'à Sterne. Le détournement des analogies artistiques (ekphrasis) ou scientifiques (observation naturaliste) construit une approche subversive du réel: en renversant la hiérarchie des importances, ce décentrement du monde en révèle l'arbitraire et l'angoissante vacuité. Claude DE GRÈVE, L'Europe occidentale, angle de vue sur la Russie, dans Les Âmes mortes, RLC LXXXVI, n° 3, juillet-septembre 2009, p. 329-346. Les Âmes mortes, œuvre maîtresse de Gogol, ont souvent été considérées par la critique comme un tableau « réaliste » de la Russie, avant que le rappel de leur genèse en Europe occidentale n'ait incité à n'y voir qu'une illusion de réalisme et éventuellement à lui donner une portée essentiellement métaphysique. La présente étude ne revient pas sur ce débat, mais tente de montrer l'apport de l'exil de Gogol à l'univers géographique et textuel de l'œuvre, à travers les images réitérées, d'une part de l'Europe occidentale dans sa globalité, d'autre part de deux pays privilégiés, l'Italie et la France. Wladimir TROUBETZKOY, Gogol ou: la littérature, pour quoi faire?, RLC LXXXVI, n° 3, juillet-septembre 2009, p. 347-358. Nicolas Gogol est un des premiers exemples, avec Léon Tolstoï et Alexandre Soljénitsyne, de « conversion », de primauté accordée par la littérature russe au principe éthique par rapport au principe esthétique. La littérature doit servir un but élevé, le salut de ses contemporains. Soucieux, cependant, de sauver la littérature, art venu de l'Occident, du reproche d'amoralité, Gogol se désole de ne pouvoir montrer un monde illuminé par la présence du Christ, mais seulement un monde en miettes, sur lequel règne Satan, comme avait fait, avant lui, Hiéronymus Bosch. Marianne GOURG, Gogol et Le Maître et Marguerite, RLC LXXXVI, n° 3, juillet-septembre 2009, p. 359-370. Lecteur précoce de Gogol, Boulgakov n'a cessé de s'identifier à lui tant sur le plan personnel que littéraire. Il en retient d'abord l'aspect comique, puis le perçoit comme l'archétype de l'artiste maudit sur lequel il va projeter sa propre tragédie. Dans Le Maître et Marguerite, les réminiscences gogoliennes sont nombreuses: noms signifiants, réification du vivant, recours à la « figure de fiction » qui installe l'objet dans l'inexistence et instaure un lien entre Woland et Tchitchikov, frontière estompée entre les vivants et les morts, inachèvement du texte virtuellement prolongeable à l'infini. Michel CADOT, Gogol et l'Allemagne, RLC LXXXVI, n° 3, juillet-septembre 2009, p. 371-378. La France ne s'est intéressée à Gogol qu'à partir des indications fournies par Circourt en 1838 et par Marmier en 1843. L'étude exhaustive de Claude De Grève dans sa thèse de 1984 peut être mise en parallèle avec celle d'E.K. Tarasova, soutenue en 2002, remarquable mise au point sur l'accueil de Gogol en Allemagne. L'intérêt allemand pour les contes remonte à l'article de König et Melgounov, paru en 1837, et le premier compte rendu du Révizor, joué en 1836 à Saint-Pétersbourg. Ce texte, paru en 1837, figure dans le livre de Reißner, publié en 1970. L'enquête sur l'accueil de Gogol se poursuit au travers des remarques de Thomas Mann sur le grotesque gogolien, et de celles de Städtke et de H. J. Gerigk qui utilisent les approches structurelles pour mieux apprécier la modernité fondamentale de l'écrivain russe.