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Frank Lloyd Wright (1867-1959), le célèbre architecte et théoricien de l'architecture organique, et l'historien et critique Lewis Mumford (1895-1990) ont joué un rôle crucial dans l'histoire de l'architecture et de l'urbanisme, comme en témoignent les quelque cent cinquante lettres qu'ils ont échangées de 1926 à 1959. Cette correspondance passionnante, clairvoyante et spirituelle, mais non dépourvue de tensions, illustre à merveille le débat intellectuel sur l'architecture américaine et internationale du xxe siècle. C'est l'architecte, alors âgé de presque soixante ans et dans une phase difficile au milieu de sa carrière, qui prend l'initiative d'écrire au jeune critique newyorkais, tout juste trentenaire, pour le remercier de son soutien. Toujours au fait de l'évolution contemporaine de l'architecture, les deux hommes évoquent, au fil du temps, leurs œuvres respectives, leurs alliés et leurs adversaires, l'avènement du Style international et les événements politiques qui bouleversent l'Europe et les États-Unis. Ils s'opposent à la sévère orthodoxie de modernistes comme Le Corbusier et prônent tous deux un meilleur usage de l'architecture et de la technologie au profit de l'humanité et de l'environnement, un point de vue qui faisait presque exception dans le panorama architectural de l'entre-deux-guerres. Affectueux et élogieux, Wright tient à l'approbation de Mumford et aspire à un rapport plus étroit. Plus prudent, souhaitant conserver son indépendance en tant que critique, Mumford refuse les multiples invitations de Wright à lui rendre visite dans son domaine de Taliesin, mais il n'en admire pas moins l'œuvre de l'architecte qui l'inspire. La Seconde Guerre mondiale interrompt brutalement cet échange profond et fécond, Mumford étant partisan de l'intervention des États-Unis en Europe, et Wright pacifiste et protectionniste. La correspondance ne reprendra que dix ans plus tard, à l'initiative de Wright. Une fois réconciliés, malgré leurs désaccords politiques et esthétiques, ces deux géants de la culture américaine, à la fois conservateurs et iconoclastes, multiplient les témoignages d'affection et d'admiration.