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Pendant le semestre d’été 1963, Adorno a dispensé un cours intitulé Problèmes de la philosophie morale. Il ne s’agissait nullement pour le philosophe de Francfort de prendre, selon ses propres mots, « la posture d’un gourou » en donnant des conseils à ceux qui auraient voulu mener une « vie juste », mais plutôt, comme les « femmes des ruines » de l’après-guerre, de considérer ce qui pouvait être « sauvé » des décombres de la philosophie morale pour que celle-ci ne fût pas abandonnée à sa dilution dans la culture. Adorno engageait là une critique approfondie de la conception kantienne de la liberté en même temps qu’il répondait implicitement au négativisme, c’est-à-dire au pessimisme aporétique dont on lui avait souvent fait le reproche, par une élaboration du concept de résistance (Widerstand ). Indissociable de l’effectivité de la liberté, la résistance « contre ce que le monde a fait de nous et veut faire de nous » découvre la force propre de la pensée critique : « la raison qui se donne à elle-même une figure dans le monde et la raison critique qui lui fait face ne sont pas une seule et même raison, comme Hegel voudrait nous le faire croire. » lit-on dans Problèmes de la philosophie morale. La dialectique de la résistance contre la « vie fausse », qui innerve tout ce cours, permet de comprendre pourquoi Adorno est resté attaché à la philosophie morale au point d’avoir projeté d’en écrire une après la Théorie esthétique, et elle offre une entrée décisive dans le livre princeps de 1966, la Dialectique négative.