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Formulons-la, cette exigence nouvelle : nous avons besoin d'une critique des valeurs morales, il faut remettre une bonne fois en question la valeur de ces valeurs elles-mêmes - et pour ce, il faut avoir connaissance des conditions et des circonstances dans lesquelles elles ont poussé, à la faveur desquelles elles se sont développées et délacées (la morale comme conséquence, comme symptôme, comme masque, comme tartuferie, comme maladie, comme mécompréhension ; mais aussi la morale comme cause, comme remède, comme stimulant, comme inhibition, comme poison), une connaissance comme il n'en a pas existé jusqu'à aujourd'hui, et comme on n'en a même pas désiré. Friedrich NIETZSCHE. Une histoire généalogique de la morale, de nos « préjugés moraux » tel est le projet auquel s'attelle Nietzsche (1844-1900) dans La Généalogie de la morale (1887), un de ses livres les plus importants et les plus célèbres, rédigé à la suite de Par-delà le bien et le mal. Nietzsche renonce ici à l'écriture par aphorisme, et compose son ouvrage en trois dissertations (I. «Bon et méchant», « bon et mauvais» ; II. «Faute », « mauvaise conscience » ; III. « Que signifient les idéaux ascétiques ?») : par cette généalogie des valeurs morales se trouve dévoilé le travail souterrain de la volonté de puissance à l'oeuvre dans l'histoire des hommes. Ce que Nietzsche offre alors au lecteur qu'il appelle de ses voeux, ce lecteur capable de « rumination », ce sont les moyens de s'affranchir de l'idéal ascétique qui, de la religion, a gagné l'art et la science, pour pouvoir ainsi surmonter le nihilisme contemporain.