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J'avertis le lecteur que j'ai démontré tous mes principes en m'appuyant sur la nécessité de la nature humaine prise en général, c'est-à-dire sur l'effort universel que font les hommes pour se conserver, lequel est inhérent à tous, sages ou ignorants ; et par conséquent, dans quelque condition que vous considériez les hommes, soit que la passion, soit que la raison les conduise, la conclusion sera la même... Spinoza. Entre Machiavel - auquel le Traité politique rend explicitement hommage - et Marx, Spinoza (1632-1677) prend place comme le philosophe qui fait entrer dans la réflexion politique la question même de la multitude, des masses. La puissance de la multitude c'est, en effet, cet «être infini» comme «affirmation absolue de l'existence d'une nature quelconque» (Ethique I, 8 sc. 1), que le Traité politique (1677) place, pour la première fois, au coeur de la question de la politique et de l'histoire. Il opère pour ce faire un déplacement radical, du domaine juridique et moral (dans lequel la question politique est habituellement posée en termes de contrat et de droit naturel, ainsi de Grotius et Hobbes) au domaine de l'ontologie : le «droit» s'y révèle être la nécessité d'une puissance d'affirmation et de résis-tance, ou encore l'effort naturel (et, avant tout, passionnel) de chaque être pour persévérer en son être. Traduction d'E. Saisset, revue par Laurent Bove. Introduction et notes par Laurent Bove.