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« L’amour, nous en parlons toujours, nous l’expérimentons souvent, mais nous n’y comprenons rien, ou presque. La preuve : nous le déchirons entre des contraires – eros et agapé, jouissance brute et charité abstraite, pornographie et sentimentalisme. Il en devient absurde ou insignifiant. L’explication : la philosophie nous a persuadés de l’interpréter à partir de la conscience de soi, comme une variante, dérivée et irrationnelle, de la claire pensée. Il se rabaisse au rang de la «passion», maladive, irrationnelle, toujours douteuse. Je conteste ici ce verdict. L’amour ne dérive pas de l’ego, mais le précède et le donne à lui-même. On doit donc tenter de décrire les figures de la conscience à partir de cette situation originaire : la nécessité absolue qu’on m’aime et mon incapacité radicale à ne pas me haïr moi-même ; mon avancée unilatérale dans le rôle de l’amant ; le serment entre les amants qui fait surgir le phénomène érotique, unique et pourtant commun ; l’échange où chacun donne à l’autre la chair érotisée, que lui-même n’a pas, mais qu’il reçoit en retour ; l’acte sans fin, et pourtant toujours fini, de s’avancer chacun dans l’autre sans résistance. L’amour, dans toutes ces figures, ne se dit et ne se fait qu’en un seul sens. Le même pour tous, Dieu compris. Car l’amour se déploie aussi logiquement que le plus rigoureux des concepts. » J.-L. M.