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À Caïn, chacun associe le premier meurtre commis au seuil de la Bible et la condamnation à l'errance qui vient châtier ce geste fratricide. Mais on ignore souvent que le criminel est aussi le fondateur de la civilisation, le père de la ville, des arts et des techniques. Sobre, elliptique et ambigu, le chapitre IV de la Genèse est inducteur d'interrogations et de rêveries : pourquoi Dieu agrée-t-il le sacrifice offert par Abel alors qu'il rejette celui de Caïn ? Pour quelle (s) raison (s) l'aîné des deux frères tue-t-il son cadet ? Quelle est la nature du signe que la divinité appose sur Caïn ? Pourquoi la civilisation procède-t-elle d'un fratricide ? Du Moyen Âge à nos jours, les réécritures littéraires s'emparent donc de manière fructueuse des questions existentielles que pose le mythe de Caïn : la préférence arbitraire, l'envie, la nécessité de différenciation, la culpabilité innocente, le lien entre mort et civilisation. Méditant sur la part nocturne mais féconde du moi, la littérature dissèque les rivalités, sonde les responsabilités, en appelle à la responsabilisation comme gage d'une véritable fraternité et d'une création authentique. Agrégée de lettres modernes, Véronique Léonard-Roques est maître de conférences en littérature comparée à l'université Clermont-Ferrand IL Elle consacre ses recherches aux mythes et à leurs réécritures.