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« Le travail dont je publie ici la première partie a pour objet de rendre compte d’observations recueillies, pendant une longue suite d’années, sur les arbres composant la collection forestière que j’ai réunie sur ma propriété des Barres. Les études de ce genre sont, aujourd’hui, d’un beaucoup plus grand intérêt pour la France qu’elles ne l’ont été à aucune autre époque. Les forêts qui, autrefois, couvraient une grande partie de son territoire sont, sinon entièrement détruites, du moins réduites dans une telle proportion, que leurs produits sont de beaucoup au-dessous des besoins actuels. Depuis longtemps déjà la France est tributaire de l’étranger pour une partie considérable des bois nécessaires il l’entretien de sa marine militaire, et particulièrement des bois de mâture. Pendant presque toute la durée du siècle dernier, il ne s’est employé, pour les bâtiments de l’État, d’autres mâtures que celles qui nous venaient des ports de la Baltique, et principalement de Riga. Aujourd’hui que les pièces, de très-grandes dimensions, propres à cet usage, sont devenues d’un prix excessif, nous sommes obligés de tirer des États-Unis une grande partie de notre approvisionnement. Cet état de choses est non-seulement très-onéreux pour le trésor, mais pourrait devenir très-grave dans le cas d’éventualités qu’il est nécessaire de prévoir. La France, par le seul fait de sa position géographique, avec ses 200 lieues de côtes sur deux mers, avec ses colonies et l’Algérie, avec son commerce lointain à protéger sur tous les points du globe, ne peut pas éviter d’être une puissance maritime de premier ordre, c’est une des conditions obligées de son existence. Elle ne peut pas plus se passer d’une force navale imposante que d’une armée de terre. Mais, pour construire et entretenir de nombreux bâtiments de guerre, il faut qu’elle puisse trouver, au besoin, sur son propre sol, les bois de construction nécessaires. Les parties du sol forestier conquises par l’agriculture sont absolument acquises à celle-ci, et ne peuvent recevoir une autre destination. Mais la France possède encore des ressources considérables autres que celles-là. Ainsi une grande partie de ses montagnes est aujourd’hui dépouillée de ses forêts ; la nécessité de leur reboisement est reconnue par tout le monde comme une mesure indispensable et urgente ; d’ailleurs des centaines de milliers d’hectares, dans une partie de l’ouest et du centre de la France, sont restés jusqu’ici dans un état presque complet d’improduction, et seraient susceptibles de porter de belles futaies d’arbres résineux. C’est sur ces terrains et au moyen de l’emploi de ces essences résineuses, et particulièrement des pins, qu’il s’agirait de reconstituer notre sol forestier. Mais c’est ici surtout que la connaissance des différentes espèces de pins, et de leurs principales variétés, devient importante ; on peut, en effet, selon que l’on emploie l’une ou l’autre d’elles, créer, sur le même sol, des forêts d’une très-faible ou d’une très-grande valeur. Cette proposition s’applique particulièrement au pin silvestre. Dans la plupart des boisements en essences résineuses, exécutés sur une assez grande échelle dans le Maine, sur quelques points de la Bretagne, et plus récemment en Sologne, c’est au pin maritime que l’on s’est adressé de préférence, parce que son accroissement est prompt, sa réussite facile, sa graine abondante et à bon marché; mais il est connu de tous les forestiers que le pin silvestre est susceptible de fournir des produits infiniment supérieurs en qualité, en dimension et en valeur à ceux que l’on peut obtenir du pin maritime ; aussi a-t-on commencé, de nos jours, à l’employer, ou du moins à l’essayer concurremment avec celui-ci. Il existe à son sujet, toutefois, une question très-importante à résoudre, la question du pin de Riga et celle des variétés du pin silvestre ; elle sort du domaine de la botanique proprement dite et rentre dans celui de la botanique économique, celle qui a pour objet la distinction des races et des variétés. La culture comparative, sur le même terrain, des arbres dont il s’agit de constater la différence ou l’identité, c’est ce que j’ai entrepris et ce dont j’ai complété l’exécution, ainsi qu’on le verra plus loin par les détails statistiques relatifs à ces espèces. J’ai réuni, par massifs plus ou moins étendus, selon leur importance, les pins silvestres de toutes les variétés indiquées par les auteurs, et toutes celles qui, à un titre quelconque, m’ont paru pouvoir figurer utilement dans cette collection. Quant aux pins de Riga, je ne me suis pas borné à un seul lot ; indépendamment des graines que je me suis procurées du Nord, par les sources les plus sûres, partout où j’ai eu connaissance, en France, de plantations anciennes, connues ou présumées avoir la même origine, j’ai fait en sorte d’obtenir des graines ou des plants qui, ajoutés aux lots d’introduction directe, fournissaient des moyens de plus d’étudier la question. Ces plantations ont eu spécialement pour objet la solution de nombreuses questions de botanique et d’économie forestière, dont quelques-unes sont d’une grande importance pour la France. Commencées, il y a trente-trois ans, dans cette vue et augmentées depuis chaque année, elles forment aujourd’hui une des collections de ce genre les plus intéressantes et les plus utiles qui existent probablement dans aucun pays. Elles comprennent, entre autres espèces, une réunion de trente lots et plus de pins silvestres, d’autant de provenances différentes, destinés à l’étude des variétés de cette espèce, et particulièrement du pin de mâture ou pin de Riga, d’origine absolument certaine, plantés en regard des autres variétés du pin silvestre et au moyen desquels pourront être éclairés les doutes qui ont subsisté jusqu’à présent sur cet arbre si important pour les constructions navales ; une école des pinus mugho, pumilio et uncinata, complément nécessaire au point de vue des études forestières ; tous les Pins de la série des Laricios, arbres d’un grand intérêt en silviculture, mais au sujet desquels il existe aujourd’hui dans les livres beaucoup de confusion. Les massifs de cette série forment une des plus belles parties des plantations des Barres ; une variété jusqu’ici peu connue, le Laricio de Calabre, s’y fait remarquer par sa grande vigueur et sa beauté; comme aussi le pin des Pyrénées, très-bel arbre d’une introduction récente ; une plantation de cèdres du Liban élevés rustiquement parmi des pins et qui commencent à se bien développer ; la collection des chênes forestiers de l’Amérique septentrionale, parmi lesquels les plus importants, tels que le Quercitron, le Chêne rouge, etc., y sont établis par grands massifs ; des plantations de noyers d’Amérique, de bouleau à canot, d’alnus cordifolia et d’autres arbres exotiques, dont les qualités et la végétation sur le sol de la France n’ont pu être encore reconnues, faute d’une multiplication suffisante ; plantations de divers chênes, particulièrement des écoles de chênes d’Europe et d’Asie, notamment des quercus fasti-giata, cerris, tauzi, ægilops ou velani, sur les avenues et les bordures; quelques variétés nouvelles et remarquables de peupliers, etc. Ces plantations, sinon complètes, au moins très étendues, fourniront à la science et à la pratique de grands moyens d’étude. L’opinion, à ce sujet, des forestiers et des agronomes distingués qui les ont visitées, les publications dont elles ont été l’objet de la part de MM. Moll, Puvis et Philippar, m’ont fait une loi d’en publier la statistique. En ayant en quelque sorte pris à l’avance l’engagement, je le remplis, aujourd’hui, avec d’autant plus de sécurité de conscience, que ma conviction à cet égard a toujours été d’accord avec celle qui m’était exprimée. En effet, pour que des plantations de cette nature répondent à leur destination finale ou aient la chance de le faire (en supposant qu’il leur soit donné d’arriver à leur terme), il faut que tous les lots dont elles se composent puissent être retrouvés facilement et sûrement sur le terrain, même après que ceux qui ont concouru à leur établissement ne seront plus sur cette terre. » Exposé historique et descriptif de l'É...