Prix public : 21,80 €
Délicieusement décalé, ce roman à plusieurs voix parle de la filiation, de la mélancolie, du vide du monde contemporain où cette mélancolie n’a plus sa place, du poids des rêves, des ancêtres féroces et des morts attentifs, des fantasmes qui alimentent le désir et de l’amour impossible dès lors que l’objet en est tabou. Pour Francine de Martinoir, écrivain de la filiation, le passé n’en finit pas de hanter le présent, et nous sentons parfois un parent mort près de nous telle une ombre furtive. C’est ainsi que Marthe, alors qu’elle s’est réfugiée en Corse suite à l’annonce d’une tumeur, aperçoit la silhouette d’une tante qui, pense-t-elle après avoir appris qu’il ne s’agissait pas d’un cancer, était venue lui dire de ne pas perdre espoir. Mais ces fantômes ne sont pas toujours protecteurs et parfois nos vies sont happées par de sombres événements qui nous voilent le présent. C’est le cas du héros de ce roman, Thibault Flasselière, un cadre supérieur qui, vers la soixantaine, a été remercié par son entreprise et vit désormais solitaire dans l’appartement de la rue de Rivoli où vécurent avant lui son père et son grand-père. Car ses ancêtres avaient depuis le XIXe siècle le titre de jardinier du roi, et avaient accompli cette fonction aux Tuileries jusqu’à ce que son château soit brûlé par les Communards. De ce passé ne restaient plus que l’appartement et des croquis dans lesquels Thibault se plonge trop souvent. Pourtant deux femmes vont tenter de le tirer de sa mélancolie. L’une, Esther, une jeune comédienne du Français, en se donnant à lui, l’autre, Delphine, sa psychanalyste, en l’aimant sans espoir. Mais les efforts de cette dernière pour le sortir de sa nostalgie en l’attirant dans son cercle de parents n’arriveront pas à lui faire oublier la fascination que le jardin magique exerce sur lui. Possédant une clé, il s’y promène la nuit, surprenant aux détours des allées les rires joyeux des petites filles avec lesquelles il se souvient avoir joué. S’enfonçant de plus en plus dans la folie, il poursuit dans un Paris nocturne et désert son fantasme érotique de très jeunes amoureuses dans des lieux de plus en plus sordides et dangereux. Et c’est en proie à des visions des Tuileries en flamme qu’il mettra fin à ses jours dans le jardin enchanté et maudit. Ce roman à plusieurs voix parle de la filiation, de la mélancolie, du vide du monde contemporain où cette mélancolie n’a plus sa place, du poids des rêves, des ancêtres féroces et des morts attentifs, des fantasmes qui alimentent le désir et de l’amour impossible dès lors que l’objet en est tabou. Délicieusement décalé par rapport au prosaïsme contemporain, ce roman subtil effleure l’épineux sujet de la pédophilie avec une légèreté rêveuse qui paradoxalement en montre l’insondable et inguérissable noirceur.