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Si tout le monde connaît Facebook (y compris ceux qui n'y ont pas accès, comme les Chinois), nul ne connaît vraiment Mark Zuckerberg. Pourtant, Facebook, et c'est peut-être ça le plus étrange, c'est un homme. Facebook, c'est Mark Zuckerberg. Et Mark Zuckerberg, c'est Facebook. Impossible, quand on s'y intéresse, de dissocier l'homme de sa créature. L'architecte de son grand oeuvre. Elle lui ressemble tellement - depuis ses premières heures. Facebook est bleu, d'abord : Zuckerberg est daltonien[i], c'est la couleur qui lui convient le mieux. Facebook est à son image, ensuite : depuis son lancement en février 2004, Mark Zuckerberg y a toujours vu comme une traduction codée de son esprit. «"Mark Zuckerberg Production»était-il écrit, dans les premières années du réseau social, au bas de chacune des pages web du réseau social. Aujourd'hui encore, Facebook reste sous son contrôle - comme aucune autre entreprise de la Silicon Valley : il n'est pas actionnaire majoritaire, mais il a su conserver près de 60% des droits de vote et cumule les fonctions de président du Conseil d'administration et de président directeur général (CEO, dans le jargon)de Facebook. Il est bien maître en sa demeure. Il aime à dire qu'il consulte, que son bureau est ouvert, que les parois de la principale salle de réunion sont transparentes, mais au bout du compte, il est seul et n'aime pas qu'on le contredise. Certains investisseurs ont été jusqu'à l'attaquer en évoquant une «"dictature"» - il n'en demeure pas moins quasiment indéboulonnable. Sur la façade de l'hôtel Nia de Menlo Park qui en mai 2019 accueillait l'assemblée générale des actionnaires de Facebook, une association a bien essayé d'en finir avec ce monarque de droit divin en projetant le visage du PDG avec une interpellation sans équivoque : «"Fire Zuckerberg" »(«"Virez Zuckerberg"» en VF). C'était osé, mais l'agitprop a fait pschitt.
Alors, Mark Zuckerberg, hacker pur beurre ou serial entrepreneur ? La réponse à cette question se trouve peut-être dans cette ultime anecdote relevée par Fred Turner, à l'issue de son article publié en mars 2018 dans la revue «Poetic.» Automne 2012. Les salariés de Facebook sont invités à venir fêter le milliardième utilisateur inscrit sur le réseau social. C'est un cap, c'est la fête. Après les agapes, ils retournent à leurs postes de travail. Et que trouvent-ils sur leur bureau ? Un exemplaire d'un petit livre à la couverture rouge créée par les équipes de l'«Analog Research Laboratory. »Sur cette couverture maison, une première partie de phrase ; «"Facebook n'a pas été créée pour être une entreprise..."» Puis, en première page, la suite : «"Facebook a été conçue pour accomplir une mission - rendre le monde plus ouvert et plus connecté"». Et cet ouvrage de communication interne de mettre en forme dans les pages suivantes quelques formules assez révélatrices : "NOUS NE CONSTRUISONS PAS NOS SERVICES POUR FAIRE DE L'ARGENT; NOUS FAISONS DE L 'ARGENT POUR CONSTRUIRE DE MEILLEURS SERVICES". "CHANGER LA FAÇON DONT LES GENS COMMUNIQUENT CHANGERA TOUJOURS LE MONDE" et "CELUI QUI IRA LE PLUS VITE ENTRAÎNERA LA TERRE ENTIÈRE". Les salariés ont immédiatement jugé bon de lui donner un surnom : «"Le Petit Livre Rouge".»