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Je glane ce que je peux du printemps naissant : quelques rayons de soleil osent se risquer sur mon mur, des chants lointains d'enfants au retour du parloir, une sorte de joie impalpable dans l'éclat d'un ciel bleu et uni. L'hiver est lugubre pour l'emprisonnée, mais le beau temps accroît la sensation cruelle d'être oubliée. La pensée se porte vers tous les jardins que l'on a connus, les fleurs, les arbres. N'ayant pas supporté patiemment l'hiver dans l'attente du printemps, il est difficile de le voir arriver et de constater que rien n'a changé pour les détenues, que rien ne s'est produit. L'événement imprévisible qu'il semblait impliquer tout naturellement, finit néanmoins par emporter l'optimisme contenu dans l'air plus léger. Ce matin, un oiseau s'est posé sur la crête du mur. Il a siffloté négligemment et m'a regardée avec curiosité : revanche de tant de cages ? Je lui ai jeté en vain des miettes de pain. Il n'a pas voulu descendre dans cet enclos suspect. L'oiseau s'est envolé, mais moi je reste là à l'envier, lui qui peut prétendre voler vers d'autres cieux. N. B. : C'est parce qu'on se retrouve à l'intérieur de la prison qu'on se rend compte à quel point elle est injuste. Avant d'y être moi-même confrontée, l'idée ne m'avait même pas effleurée... Que dois-je faire ? Attendre, me dit-on... Demain sera meilleur. La vie recommence dans quelques mois... Quand tu auras payé, plus légère tu seras. Je sais aujourd'hui que, malgré le boulet détaché, les marques resteront.