Prix public : 21,50 €
« Voilà ce qui rapproche le Boléro et le poème le plus célèbre de Paul Valéry: le sentiment, qui n'en reste pas à la représentation mais s'insinue par le corps, d'une entité libre, d'un engin dynamique chargé de communiquer à tout ce qui passe à proximité une vibration incomparable. Or, cette tension retenue, accumulée, qui va crescendo sans modification du tempo, m'évoque dans les deux cas la chimère d'un reptile qui finirait par s'inventer oiseau. J'espère qu'on sentira dans ce qui suit, ce serpent annelé qui s'envoûte lui-même par ses flûtes successives. Quel est donc, à la fin, ce souple animal qui rampe et vole, va glissando? Incarne la paresse charnelle en couvant la conscience acide? L'instrument du mal? Cela ne convainc guère. L'enroulement du bien et du mal? Faut-il chercher si loin? Plutôt la concentration en une bête qui tient à la terre tout en quêtant l'air des hauteurs, de deux emblèmes de signes opposés (on pense à l'aigle et au serpent de Zarathoustra). Comme le boléro (je parle ici en général) n'articule ses pas que pour en lisser la marche, prépare ses soulèvements par le geste de coller au sol, le poème déroule ses vingt-quatre anneaux dans lesquels, singulièrement, se nouent les fils de la méditation; elle tresse l'énigme triple de l'univers, du mortel et de la pensée humaine. »