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Aimer la gentiane n’est pas anodin. Aimer la gentiane, c’est aimer l’amertume, pour ce qu’elle est, et non pas comme seul faire-valoir de la douceur. Il faut du talent pour être et rester amer, peu en réchappent. Envolée la belle amertume de l’endive ou celle du pamplemousse… Les agronomes et autres sélectionneurs de génie ont gommé ce qui faisait toute leur personnalité, pour lisser le goût vers plus de douceur. Foutaise. La douceur, quel leurre. Par chance, la gentiane, en belle sauvage, échappe à cette castration. Elle clame haut et fort son amertume intacte, comme une revendication, et les étiquettes de tous ces apéritifs oubliés à base de racine de gentiane sont autant d’étendards immobiles collés sur des bouteilles. Des bouteilles à l’amer, bien entendu. Aimer l’amertume, c’est donc un acte de résistance culturelle, de rébellion gustative. C’est oeuvrer pour la diversité du goût, les différences, les oppositions, le chahutage des papilles. Pourtant, je suis plus bretonne qu’auvergnate. C’est l’avantage de la gentiane : quoi qu’il arrive, on se retrouve au bord de l’amer.