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Les années 1990 resteront comme celles de la triple défaite de la gauche : régression des politiques social-démocrates dans les États providence du monde développé ; disparition des États socialistes de type soviétique et intégration de leurs économies dans le monde industrialisé ; régression des mouvements d’émancipation dans le Tiers-monde. Avec elles, une certaine époque a pris fin, époque qui avait débuté au moment de la Révolution d’octobre 1917 et qui se caractérisait par la forme d’organisation politique du « parti-État ». Cela signifie-t-il que le temps des politiques d’émancipation radicale serait achevé ? Ces dernières années, de nombreux signes indiquent au contraire le besoin d’un nouveau commencement. L’utopie des années 1990, la « fin de l’histoire » que croyait pouvoir diagnostiquer Fukuyama (le capitalisme libéral-démocratique conçu ordre social « naturel » enfin réalisé), cette « fin de l’histoire » est morte deux fois lors de la première décennie du XXIesiècle. Tandis que les attaques du 11septembre 2001 signalaient la mort de cette théorie sur le plan politique, la crise financière de 2008 signale à présent sa mort économique. Dans ces conditions nouvelles, l’enjeu n’est pas seulement de travailler à l’émergence de stratégies nouvelles, mais de repenser radicalement les fondamentaux des politiques émancipatrices. L’organisation et le succès remarquable du colloque intitulé « Idea of Communism », réuni à Londres en mars 2009 en présence des principaux spécialistes mondiaux de la pensée marxiste, témoigne à sa manière de la persistance et du renouveau des projets d’émancipation. Ses participants affirment qu’il faut aller loin au-delà du simple rejet de la gauche du parti-État dans sa forme « staliniste » – rejet qui relève aujourd’hui de l’évidence –, pour étendre ce rejet à l’ensemble du champ de la « gauche démocratique », quand elle se conçoit comme simple stratégie pour réformer le système en croyant pouvoir faire l’économie d’une réforme radicale de la structure même de la démocratie représentative. Beaucoup plus que la débâcle du socialisme réel, la défaite des années 1990 était la défaite définitive de cette « gauche démocratique »-là. Cela soulève la question suivante, que les participants au colloque ont abordée en particulier : le mot « communisme » est-il celui qui convient pour désigner l’horizon des projets d’émancipation radicale ? Au-delà des nuances de leurs positions théoriques respectives, les participants au colloque de Londres partagent l’idée qu’il est utile de demeurer fidèle à ce nom : ce dernier possède en effet la faculté de servir comme Idée pouvant guider leurs recherches, aussi bien que comme instrument permettant de dénoncer les catastrophes des politiques du xxesiècle, y compris celles de la gauche, fussent-elles perpétrées en son nom. Le colloque cependant n’avait pas pour objet de discuter de questions praxico-politiques, ce qui aurait consisté à analyser les problèmes politiques et économiques et militaires actuels. Il n’avait pas non plus pour vocation de s’interroger sur la manière d’organiser un nouveau mouvement politique. C’est à un questionnement plus radical qu’il s’est attaché : le « communisme » ici en question est concept philosophique. Depuis Platon, affirment Alain Badiou et Slavoj Zizek, tous deux à l’origine de la rencontre de Londres, le Communisme est la seule Idée politique digne du philosophe.